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Quand l’impro théâtrale détonne dans une réunion de 300 agents : retour d’expérience

Comment dynamiser un temps collectif avec 300 agents, aborder des sujets sensibles et maintenir l’attention jusqu’à la fin de la matinée ? Pour Ludovic Chillotti, chef de projet au sein du Département de l’Isère, la réponse a pris une forme inattendue : faire appel à des comédiens-coachs pour mobiliser l’outil de l’improvisation théâtrale au service des enjeux de la journée et des besoins des participants. Il nous raconte comment l’idée est née, les surprises, et les bénéfices de ce format audacieux.

Objectif, capter l’attention du public

Depuis quatre ans, Pascale Callec Directrice au sein du Département de l’Isère organise des journées de rencontre entre les agents d’une des directions du Département. Regroupant 300 agents principalement issus des collèges de l’agglomération, ces réunions ont pour but de dynamiser le projet de direction. Au fil des éditions, un écueil revenait systématiquement dans les retours des participants : une fin de matinée trop lourde, trop descendante, avec des restitutions d’ateliers longues et peu engageantes.

« Cette année, on voulait trouver une autre manière de faire passer des messages clés, de décaler le regard, tout en gardant les personnes attentives et qu’elles puissent se reconnaître dans les situations.”

L’impro, un format interactif et puissant

Ce qui a convaincu Ludovic ? Le mélange d’interactivité, de justesse et de finesse dans la mise en scène :

« Ils jouaient des scènes qui étaient à la fois vraies et caricaturales, avec cette capacité à faire réagir la salle, à arrêter le jeu pour questionner, pour ajuster. C’est bluffant. »

L’introduction de la journée, comme la restitution, n’est alors plus un moment subi, mais une séquence collective où chacun se reconnaît, réagit, rit et se sent concerné. Les thèmes abordés, parfois sensibles (comme les relations hiérarchiques ou les tensions de terrain), deviennent plus faciles à exprimer.

Une démarche intégrée, pas un spectacle à côté

“On ne s’est pas servi du théâtre comme d’un prétexte pour faire autrement. On s’en est vraiment servi pour pour faire démarrer et atterrir les journées”, précise Ludovic. Les comédiens sont restés toute la journée, ont écouté les ateliers, pris des notes, et construit la restitution finale en direct. « On sentait qu’ils s’étaient vraiment imprégnés du matériau récolté. Et en tant qu’organisateur, c’est aussi un confort : ils prennent le relais sur la restitution, et permettent aux animateurs d’ateliers de souffler. »

 

Rire ensemble, mais pas que

Dans une ambiance de 300 personnes, le changement était palpable :

« L’année précédente, les gens étaient fatigués en fin de matinée. Là, ils riaient. Et pas seulement pour rire. Il y avait de la tension, du décalage, de l’émotion aussi. »

Les scènes ont permis aux agents de se reconnaître, parfois d’exagérer une situation pour dire : « Regardez, c’est ça qu’on vit. » Et souvent, cela ouvrait le dialogue.

“Waouh, ils ont osé !”

Ça fait parti des surprises de l’impro ! Les comédiens et comédiennes captent aussi ce qui ne se dit pas mais qui est là. Si Ludovic reconnaît qu’il faut un certain « lâcher-prise » pour oser proposer ce type de format, il souligne aussi à quel point il est fin :

« C’est un média qui permet d’aborder des sujets délicats, de générer des prises de conscience, et de faire participer même ceux qui d’habitude ne parlent pas. C’est très riche, il faut se l’autoriser. »

Un pari réussi donc, qui donne envie de renouveler l’expérience.

Pour aller plus loin

Yann Salètes, comédien et facilitateur au sein de Sémawé a réalisé cette prestation grâce à un partenariat avec la compagnie les Bandits Manchots.

L’approche du théâtre d’impro au service des collectifs est à retrouver ici 

 

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Jeanne de Kerdrel

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