L’Expérimentation de l’Holacratie à la Ville de Grenoble

1. Contexte et raisons de l’adoption de l’Holacratie

La Ville de Grenoble, connue pour son engagement en faveur des transitions écologiques et sociales, a décidé d’expérimenter de nouveaux modes de gouvernance afin d’être plus en phase avec ces défis actuels.

Un mode d’organisation hérité du passé
Les structures administratives municipales sont encore largement inspirées des modèles du XIXᵉ et du XXᵉ siècle. Selon Emmanuel Rouede, Directeur Général des Services (DGS) de la Ville, ces cadres organisationnels traditionnels sont peu adaptés aux enjeux actuels, notamment en matière de transition environnementale et sociale.

Une nécessité de renouveler la gouvernance
La Ville de Grenoble s’est fixé pour mission de revoir son cadre de travail afin d’encourager davantage d’autonomie et de confiance au sein de l’administration. Le modèle hiérarchique classique, avec ses processus descendants, freine parfois l’innovation et la transversalité nécessaires à l’action municipale.

Pourquoi l’Holacratie ?
L’Holacratie a été choisie parmi plusieurs modèles alternatifs de gouvernance, car elle favorise :

• La clarté des rôles et responsabilités, réduisant ainsi les ambiguïtés sur la répartition des tâches ou des projets.
• L’autonomie et la responsabilisation des équipes, un point clé pour permettre aux agents d’agir directement sur les projets qui leur ont été confiés.
• Une prise de décision distribuée, mieux alignée avec la volonté de rendre l’administration plus réactive et adaptée aux défis contemporains.

Cette expérimentation est proposée sur la base du volontariat aux services intéressés, afin de favoriser une adoption naturelle et progressive.

2. Les Étapes de l’accompagnement et le calendrier

L’accompagnement de la Ville de Grenoble vers l’Holacratie s’est déroulé en plusieurs phases :

A. Lancement de l’expérimentation (2023)

• Sensibilisation des équipes volontaires au fonctionnement de l’Holacratie.
• Mise en place d’un cadre permettant aux services pilotes de s’approprier progressivement cette nouvelle gouvernance.

B. Structuration et encodage des premiers cercles (2023 – 2024)

• Définition des rôles et clarification des missions dans les services engagés dans l’expérimentation.
• Mise en place des premières réunions de gouvernance et tactiques.
• Accompagnement des leaders et facilitateurs pour les aider à incarner ce changement.

C. Déploiement progressif et ajustements (2024 – en cours)

• Certains services comme Ville Ouverte ont pleinement adopté le modèle et ont renforcé leurs pratiques holacratiques.
• Dans d’autres services, l’expérimentation a rencontré des résistances ou a été abandonnée avec l’arrivée de nouvelles directions, moins favorables à ce mode de fonctionnement.
• Un enjeu important concerne l’intégration des nouveaux arrivants, qui n’ont pas toujours connu ce type de gouvernance dans leurs expériences passées.

3. Ressenti de l’équipe

Points positifs

• Un fort engouement initial :
  L’expérimentation suscite un enthousiasme réel auprès des équipes intéressées, car elle leur permet de tester une nouvelle manière de travailler plus autonome et efficace.
• Un modèle aligné avec les valeurs de la Ville :
  La confiance, l’autonomie et la coopération sont au cœur du fonctionnement municipal, ce qui facilite l’appropriation de certains principes de l’Holacratie.
• Une meilleure transversalité :
  L’encodage des rôles et la clarté des missions facilitent la coopération entre les services, en supprimant les obstacles hiérarchiques inutiles.

4. Les réussites majeures

• Une expérimentation qui fonctionne dans certains services :
  Le cas du service Ville Ouverte ou l’Ecole du Vélo (Direction des Sports) sont des exemples de succès, où l’Holacratie a été pleinement adoptée et renforce la performance collective.
• Une transparence accrue :
  L’Holacratie permet une meilleure visibilité sur les rôles et les responsabilités, réduisant les blocages opérationnels.
• Une expérimentation assumée :
  La Ville de Grenoble ne cherche pas à imposer un modèle unique, mais teste différentes approches pour améliorer son fonctionnement administratif.

5. Extrait de l’interview d’Emmanuel Rouede, DGS de la Ville de Grenoble

« On sait que l’organisation actuelle ne nous permet pas d’engager les transitions comme on voudrait les engager. L’idée de l’Holacratie, c’est de tester un autre mode de fonctionnement pour voir si cela peut nous aider à lever certains freins. Ce que l’on observe déjà, c’est que dans les services qui ont pleinement adopté cette méthode, il y a une réelle autonomie et une dynamique d’amélioration continue. Mais on doit aussi composer avec des résistances, car ce modèle demande un vrai travail d’appropriation. Pour moi, la force de l’Holacratie, c’est qu’elle repose sur le sens et la raison d’être des actions. Dans nos structures publiques, on peut parfois perdre ce lien, et ce modèle nous oblige à le garder au centre des décisions. »

Emmanuel Rouede

Conclusion

L’expérimentation de l’Holacratie à la Ville de Grenoble est un cas unique d’application de ce modèle de gouvernance dans une administration publique. Bien qu’encore limitée à quelques services volontaires, cette approche démontre que la clarté des rôles, l’autonomie des équipes et la transversalité sont des leviers puissants pour améliorer l’action publique.

Toutefois, l’adoption généralisée reste un défi, notamment à cause du temps d’appropriation nécessaire, de l’impact des changements de direction, et de la compatibilité avec les cadres institutionnels existants.

Perspectives d’avenir

• Renforcer la formation des nouveaux arrivants pour assurer une continuité des pratiques.
• Explorer des moyens de simplifier l’Holacratie pour la rendre plus accessible aux équipes.
• Poursuivre l’expérimentation en ajustant les processus aux réalités du service public.

La Ville de Grenoble montre que l’Holacratie peut être un outil structurant pour moderniser les administrations et faciliter la mise en œuvre des transitions sociales et écologiques.