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L’assertivité du facilitateur, ce n’est pas une question de caractère

On confond souvent assertivité et assurance. Une voix posée, une posture stable, des phrases bien construites. Comme si l’assertivité était un trait de tempérament.

Dans les réunions que j’anime, ce n’est pas comme ça que je la vis.

Dois-je interrompre cette prise parole ?

L’assertivité ne se décide pas à l’avance. Elle se joue dans l’instant, dans une succession de micro choix. Souvent discrets. Souvent inconfortables. Des choix que personne ne voit vraiment, mais qui transforment profondément la dynamique d’un groupe.

Il y a ces moments où je vois bien que le cadre commence à se distendre. Rien de brutal. Juste un léger glissement. Le sujet s’étire, les échanges se croisent, l’intention devient floue. Et très souvent, je n’interviens pas tout de suite.

Il y a le doute. Est-ce le bon moment pour intervenir ? Est-ce que je vais couper un élan précieux ? Et puis il y a ce que je me raconte : que le groupe peut s’autoréguler, qu’une personne a peut-être besoin d’aller au bout de son idée, que parfois, en laissant de l’espace, une pépite émerge.

C’est vrai aussi. Mais la question que je finis toujours par me poser est celle-ci : est-ce que je me tais pour être au service du groupe, ou pour mon propre confort ?

Faciliter, pour moi, c’est vivre avec cette incertitude permanente. À chaque instant, je fais des paris.

Apprendre à reconnaître ses signaux internes

Je n’ai pas de réponse à tout cela. Mais il y a des signaux que j’ai appris à reconnaître avec le temps.
Quand je ne dis rien alors que je sens une légère torsion dans le ventre, je sais que ce n’est plus vraiment un choix conscient. C’est un évitement. Et oui, ça m’arrive. Parfois, je laisse couler un peu.

Et puis il y a d’autres moments. Des moments où je sens que je dois réagir plus vite. Là, le signal est différent. C’est plus clair, plus aligné. Quelque chose circule librement entre le ventre, le thorax et la tête.

Des questions pour recentrer sans brider

Dans ces moments là, je ne cherche pas la bonne intervention. J’ai appris à poser des questions. Des questions qui ramènent au cadre sans brider la personne ni le groupe. Des questions qui ne proposent pas de solution, mais qui permettent d’avancer.

Par exemple :

  • Est-ce que vous voulez que quelque chose soit fait ? Si oui, quoi, et par qui ?
  • Maintenant que vous avez partagé tout cela, avez vous besoin d’autre chose, ou pouvons nous passer à la suite ?
  • Est-ce qu’il y a quelque chose qui vous empêche d’agir sur cette situation ?
  • Qui a réellement autorité pour trancher sur ce sujet ?

Ce que j’aime dans ces questions, c’est qu’elles ramènent la ou les personnes à leur intention, à ce qui leur appartient vraiment. Elles rappellent le cadre sans l’imposer. Et elles m’évitent surtout un piège dans lequel je tombe facilement moi aussi, prendre en charge ce qui ne m’appartient pas.

En recherche de justesse. A tout moment. A chaque réunion.

Ce que je cherche avec ces questions, ce n’est pas d’accélérer à tout prix, ni de couper la parole. C’est de remettre de la clarté là où l’énergie commence à se disperser, et de la responsabilité là où elle glisse parfois vers le groupe ou vers moi.

Ce que je constate, c’est que cette parole ne rigidifie pas les échanges. Elle remet de la clarté là où le flou s’installait. Et elle aide le collectif à respirer à nouveau.

Faciliter, ce n’est pas choisir entre être douce ou ferme.
c’est sentir quand se taire soutient encore le groupe.
Et quand se taire commence surtout à m’éloigner de mon rôle.

 

Jeanne de Kerdrel

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