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Vous connaissez la pédagogie Montessori ? Une approche conçue par Maria Montessori en Italie dans les années 1900. Elle est la première pédagogue à concevoir une science de l’éducation. Cette pédagogie repose sur une très grande autonomie de l’enfant, un environnement adapté à lui, une attention individualisée, le libre choix des activités, du matériel pédagogique autocorrectif…

Imaginée dans le but de venir en aide aux enfants porteurs de handicap mental, cette pédagogie alternative s’est révélée être très intéressante pour tous les enfants, puisqu’elle répond à l’aspiration profonde de chaque jeune enfant à apprendre, et à découvrir le monde.

Alors, quel lien avec l’entreprise ?!

L’entreprise est une organisation sociale dans laquelle les individus contribuent par leur travail à un but commun. Dans la vision moderne de l’entreprise, sans forcément aller jusqu’à l’entreprise libérée, on a besoin d’apprendre sans cesse.

Le monde change, l’évolution de la technologie apporte des modifications substantielles des comportements, des cadences de travail, et même du type d’effort intellectuel qu’il faut fournir. Les agendas en ligne, la disponibilité de l’information sur Internet, et les outils d’échanges numériques comme l’email ou Slack (messagerie d’équipe) allègent considérablement nos efforts de mémoire. Par contre, notre cerveau doit savoir trouver très vite une information parmi des sommes astronomiques de données. Finalement, les processus cognitifs à l‘œuvre ne sont plus du tout les mêmes.

Si la pédagogie Montessori produit de si remarquables résultats pour des enfants en situation d’apprentissage, alors pourquoi ne pas s’en inspirer pour nous adultes, qui sommes aussi en situation permanente d’adaptation et d’apprentissage ?

Comment Montessori peut inspirer l’entreprise ?

Le pair-travail : c’est-à-dire le travail entre pairs. Cet outil permet de travailler avec une autre personne de son équipe, sous forme de sessions assez courtes pendant lesquelles un travail similaire est effectué en même temps et au même endroit, dans le but de pouvoir s’entraider, se stimuler, et de bénéficier du regard bienveillant d’un pair sur son propre travail. Ce type de pratique permet de sortir du rapport sachant-apprenant et valorise considérablement l’esprit d’équipe et d’entraide.

Le travail en binôme est un outil bien connu chez les développeurs qui pratiquent des méthodes Agiles et en particulier l’extreme programming (ou pair programming). Cette méthode permet à 2 personnes de travailler sur une même tâche en même temps et sur un même ordinateur :

  • un “conducteur” réalise le travail.
  • un “observateur” assiste le conducteur en essayant de détecter les améliorations possibles de son travail, en lui proposant des solutions de contournement.

Les rôles peuvent s’interchanger aussi souvent que souhaité.

    Peu de temps collectifs obligatoires

    “La ligne” dans une classe Montessori est un moment court de partage entre tous les membres de la classe, avec une attention particulière pour les prises de parole. On y parle du travail mais pas seulement.

    “La mêlée” chez Sémawé est le seul rendez-vous collectif auquel toute l’équipe se doit de participer (la participation aux autres réunions/ateliers étant laissée à l’appréciation de chacun). Il s’agit d’une réunion rapide que nous tenons debout, sans notes, elle dure 10 minutes et les prises de parole ne dépassent pas la minute. Cela permet à chacun de bénéficier de toute l’attention des ses coéquipiers et de s’informer en très peu de temps sur la vie collective et les actualités des autres. Cette technique de réunion est un grand classique de l’Agilité, on retrouve des daily stand-up meeting dans Scrum en particulier. La dimension cérémoniale de la mêlée Agile est aussi importante que les informations qui s’échangent pendant ces 10 minutes quotidiennes !

      Valoriser l’échec comme une formidable chance d’apprendre !

      Dans une école Montessori, le travail des enfants n’est pas évalué par des notes. Ainsi, il n’y a ni récompense pour un travail bien fait, ni punition pour un échec ou une erreur. Le but est que l’enfant apprenne à travailler pour lui-même et non pour satisfaire les attentes d’un adulte. C’est ainsi qu’il cultive sa curiosité profonde naturelle.

      Dans l’entreprise, c’est un principe qui peut se traduire. Mais cela demande de l’accompagnement quand les personnes ont eu l’habitude d’un système d’évaluation permanente. Si l’on arrive à instaurer ce principe dans une équipe professionnelle, cela donne un collectif ultra-motivé, dans lequel les individus font ce qu’ils font car ils en ont envie, et en confiance avec les autres car ils ne sont pas jugés sur leur travail. C’est ainsi qu’un climat d’entraide et de solidarité peut s’installer. Plus loin encore, c’est la base d’un climat de travail apaisé et sécurisant, dans lequel l’erreur devient une belle occasion d’apprendre, une information que l’on a envie de partager avec ses collègues !

      Un parallèle entreprise-école : risqué ?

      Premier écueil : confondre salariés et élèves. Est-il utile de préciser qu’il ne s’agit pas d’infantiliser les salariés alors que ce sont des adultes ?

      Si cette crainte existe, c’est bien parce que le paradigme de l’apprentissage tel qu’il s’installe dès le plus jeune âge dans l’école de la république, pose comme fondation que l’enfant est irresponsable, ignorant, fainéant, tricheur, violent. Alors naturellement, il faut l’encadrer, le contraindre, lui enseigner des apprentissages, le faire obéir, le surveiller.

      Je pose l’hypothèse que si tous ces comportements existent chez certaines adultes, c’est peut-être en partie parce que c’est précisément le regard qui a été posé sur eux enfants.

      Certaines pédagogies alternatives comme Montessori posent le principe de la confiance en l’enfant comme fondatrice de toute une approche de l’évolution. De la même façon, on peut dans une entreprise poser cette confiance comme un apriori.

      Plutôt que de partir du principe que la personne salariée doit faire ses preuves avant qu’on ne lui accorde de la confiance, essayons d’investir de la confiance dans nos relations professionnelles !

      Salarié = adulte, Adulte = Responsable ?

      Un adulte est responsable dans la société. A compter de ses 18 ans, il n’a pas besoin de demander une autorisation à quelqu’un d’autre pour initier un projet, pour aller demander un emprunt dans une banque, pour acheter une maison ou une voiture, pour aller voter, etc.

      Alors pourquoi lorsque ce même adulte franchit la porte de son entreprise le matin, deviendrait-il un être dénué de bon sens et de ses capacités de raisonnement ? Tout d’un coup, il faut que ce même adulte responsable et émancipé demande des autorisations, des validations pour tout et n’importe quoi. Il ne peut plus conduire de projet selon son idée, choisir ses horaires, aider ou se faire aider selon son envie et ses besoins. Il devient un subalterne de son “supérieur hiérarchique”, il perd ses capacités de responsabilité, d’autonomie et de liberté d’adulte citoyen. Quelque part, les règles de la vie d’entreprise le font re-devenir un enfant selon la définition courante dans notre société : un irresponsable. 

      Alors finalement ?

      L’entreprise et le monde du travail plus largement a bien à apprendre des processus d’apprentissage, donc de la pédagogie. Et si de nombreux adultes s’accordent pour remettre en question la façon dont on a essayé de leur faire acquérir des savoirs à l’école, pourquoi ne pas poursuivre cette remise en question sur les règles qui dominent les rapports humains dans le travail ?!

      Inversement, les pratiques innovantes de la pédagogie s’enrichissent parfois des expériences du monde de l’entreprise. Comme par exemple l’école démocratique qui s’inspire de l’entreprise libérée.

      Voilà un beau principe de vases communicants !

      Pour aller plus loin, un autre article à découvrir : Les super-héros de demain

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