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Accueillis et transformés, les conflits peuvent être une source d’apprentissage pour les équipes et aider une organisation à grandir. Les cercles restauratifs, une méthode de résolution collective de conflit, appréhendent les conflits sous un œil nouveau. Ils confèrent à l’équipe un rôle de facilitateur et la positionne comme garante des accords obtenus. Ce faisant, les cercles restauratifs participent à rendre l’équipe de travail plus résiliente et à développer une plus grande maturité relationnelle entre ses membres

Le besoin de changer de lunettes

Les conflits sont généralement perçus comme un problème. Un problème qu’il faut éviter ou résoudre au plus vite. Dans les équipes, beaucoup d’énergie est mobilisée pour ne pas les voir, pour les minimiser, voire pour les justifier. Des croyances se développent alors, celles que les conflits disparaîtront d’eux-mêmes, avec le temps ou si ce n’est pas le cas, qu’il faut vivre avec, s’en accommoder en quelque sorte. Le système équipe agit alors comme un frein à toute évolution. La persistance des conflits crée un sentiment de fatalité au prix de grandes souffrances individuelles.

En tant que médiateur, j’ai pu toucher la difficulté d’opérer un pas de côté par rapport à cette représentation usuelle du conflit. Pour un médiateur, le conflit est naturel et inhérent à toute organisation humaine. Il est davantage le symptôme d’un dysfonctionnement qu’un problème en lui-même. Mon intention de médiateur est d’aider les personnes à s’approcher du conflit, à l’apprivoiser en quelque sorte. L’enjeu est de renouer le fil de la parole et d’encourager l’écoute. Retisser la relation est un préalable à toute recherche de solutions.

Le contexte professionnel, un lieu d’exploration

Le contexte professionnel n’est pas un lieu pour exprimer ses tensions. C’est une idée communément admise. Quand le conflit est trop visible, qu’il n’est plus possible de le cacher, la négociation s’engage et en dernier recours une voie judiciaire existe pour le traiter. Ces pratiques favorisent l’expression des rapports de force et des jeux de pouvoir.
La médiation professionnelle invite la libération de la parole. Elle crée un espace dédié et sécurisé par la présence d’un tiers. Un espace où il est possible de dire et de s’écouter. L’expression de chacun, avec la patiente reformulation du médiateur, permet de cheminer vers le cœur des désaccords. Ce travail déshabille le conflit des malentendus, des interprétations ou autres procès d’intention. A l’os, le désaccord peut être attrapé. L’écoute du point de vue de chacun fait avancer la compréhension, elle éveille la perception de la diversité des points de vue. Il devient alors possible d’envisager la suite, de s’approcher de pistes de solution.

L’approche collective des cercles restauratifs

Le recours à un médiateur pour résoudre une tension relationnelle entre deux personnes est un réflexe salutaire et très souvent bienvenu. Néanmoins, lorsque cette tension émerge au sein d’un collectif, elle peut s’avérer insuffisante. La résolution risque parfois de passer à côté des vrais enjeux. L’équipe a joué un rôle dans la situation conflictuelle. Un rôle, au moins passif, dans sa construction. Soit en laissant faire, par la culture du non dit, soit en l’alimentant par celle du “on dit“. L’approche systémique initiée par la méthode des “cercles restauratifs” est alors pertinente. Elle permet d’approcher la complexité des conflits sans la dénaturer. Cette méthode apporte des clés intéressantes qui donnent sa pleine responsabilité au collectif de travail.

Une approche systémique qui bouscule nos représentations

Le cercle restauratif est né dans les favelas de Rio au Brésil sous l’impulsion de Dominic Barter, dans un contexte où la moindre tension peut entraîner des conséquences dramatiques, et parfois engager un cycle de vengeances qu’il est difficile de stopper. Le cercle restauratif a été créé pour enrayer la mécanique du conflit et pour permettre aux communautés impactées de continuer à vivre ensemble. Le point de départ, c’est de s’efforcer de ne plus penser en termes dichotomiques une victime, un coupable. Au sein d’un cercle on va isoler un acte, une personne qui l’a reçu, le receveur, et une personne qui l’a donné, l’auteur. Cette différence sémantique évite les étiquettes négatives qui enferment chacun dans un rôle convenu et sabordent les possibilités de faire naître un dialogue. Le cercle invite à ouvrir un champ d’exploration pour se dire les choses et imaginer des voies compensatrices.

La connexion au coeur du processus

Le milieu professionnel est certes bien différent des favelas de Rio. Depuis, l’expérience des cercles restauratifs a essaimé au-delà des frontières du Brésil dans une multitude de contextes, notamment dans les communautés éducatives. L’intention du cercle restauratif c’est de restaurer la relation et de prendre soin des personnes qui traversent un conflit. La connexion est au cœur du processus. La connexion entre les personnes en conflit, la connexion interne pour apaiser les tensions qui s’impriment à l’intérieur de chacun, et enfin, la connexion du système équipe en tant que communauté de travail. Le processus de reconnexion est recherché sur ces trois plans.

Des étapes structurées et sécurisantes

  • Le cercle offre un contenant sécurisé. Il traverse patiemment trois étapes qui mettent le conflit sur la table et aident à le clarifier. L’expression de tous ceux qui le souhaitent est encouragée et non uniquement les personnes identifiées par le conflit. Ceux qui sont autour des personnes sont invités par les protagonistes. La compréhension mutuelle est visée comme un premier pas. Un pas nécessaire avant d’envisager d’aller plus loin. Le médiateur isole un acte représentatif de la situation de tension. On l’explore sous différents angles, on s’intéresse à la façon dont il est vécu par chacun. Des messages sont adressés précisément. Un travail de reformulation exigeant s’engage pour chasser l’implicite et s’assurer de la qualité de la réception des messages. C’est un travail inconfortable et éprouvant ou la tension est palpable.
  • Puis chacun est invité à assumer une part de responsabilité dans la situation. C’est un moment clé, un point de bascule. Lors du dernier cercle que j’ai animé, j’ai ressenti physiquement ce moment. Les poils des avants bras se dressent, un climat de détente s’installe, comme un relâchement. Le silence auparavant pesant devient serein.
  • Enfin et seulement l’émergence de solutions relationnelles ou techniques est activée. Chacun participe à sa hauteur. Une dynamique de co-construction s’enclenche. Les solutions trouvées deviennent les solutions de l’équipe. Une équipe engagée et garante des accords élaborés.

Un outil puissant de résolution au sein d’une équipe

Outil puissant et efficace, le cercle restauratif ne s’improvise pas. Il prend sens au sein d’une même communauté de travail. Sa facilitation est un art subtile qui invite à plonger au cœur des conflits tout en prenant pleinement soin des personnes. Un après cercle lui succède à quelques semaines de distance pour veiller au respect des accords et engagements pris. Une dernière étape nécessaire pour encourager l’équipe à se débarrasser des mauvaises habitudes et à tracer un nouveau chemin. Son nouveau chemin.

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