En tant que SCOP et entreprise libérée ayant adopté une gouvernance partagée, nous avons le souhait de nous nourrir d’échanges avec d’autres organisations aux pratiques novatrices plaçant l’humain au centre. Notre envie est de mettre en avant des initiatives différentes pour montrer que de telles démarches fonctionnent.
Nous avons rencontré Guillaume Desnoës, patron d’Alenvi, une entreprise qui accompagne les personnes âgées en perte d’autonomie. Retour sur son approche singulière !
Une entreprise Opale comme source d’inspiration
Alenvi est ce qu’on peut appeler une entreprise sociale. L’agrément Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale ou ESUS la reconnaît officiellement en tant qu’entreprise de l’économie sociale et solidaire. Alenvi s’est inspirée de Buurtzorg, un cas d’école bien connu par les adeptes de l’entreprise libérée.
Buurtzorg a mis en place un mode de fonctionnement basé sur une vision holistique et systémique de la personne et des besoins fondamentaux des humains. Cette entreprise néerlandaise a choisi de privilégier la qualité des soins en misant sur la qualité de la relation humaine qui s’installe entre le soigné et le soignant. Buurtzog a pour but de rendre le patient le plus autonome possible, en l’éduquant autant que possible sur ses soins et en mobilisant les contacts sociaux proches de lui.
Épanouissement et autonomie au cœur de l’organisation d’Alenvi
“Chez Alenvi, les managers sont des coachs et tout est fait pour valoriser les auxiliaires de vie en mettant en place un cadre de travail épanouissant et responsabilisant.”
Les équipes sont autonomes, gèrent leurs recrutements, leurs plannings, avec l’appui de leurs propres outils numériques conçus pour être au plus proche des besoins fonctionnels du métier.
Guillaume a pu constater que le taylorisme caractéristique de beaucoup d’organismes dans le soin infirmier, crée du mal-être et en bout de chaîne de mauvais soins.
« L’accompagnement à domicile des personnes âgées est déshumanisé par un paradigme tayloriste réducteur, qui sous-estime la dimension humaine du métier, et son corollaire, le manque de considération des professionnels. Cette déshumanisation impacte négativement la qualité des services fournis aux personnes en perte d’autonomie. »
Source : Blog d’Alenvi
I
En matière de gouvernance, l’entreprise a grandi très vite au cours de ces 3 premières années et pratique pour l’instant une culture très informelle avec peu de règles. Pas encore de gouvernance partagée, mais l’effectif de l’équipe augmentant, la question d’aller vers une pratique plus formalisée et explicite des rôles et des règles de prise de décision se pose de plus en plus. D’autant que l’entreprise tient à sa culture très responsabilisante. Guillaume Desnoës nous dit se reconnaître dans les principes de l’entreprise libérée, même s’il nuance en précisant : “nous cherchons à être plutôt une entreprise libérante que libérée” !
La méthode de prise de décision, elle, est directement issue de l’expérience du Buurtzorg avec le Solution Driven Method of Interaction : SDMI. Il s’agit d’une méthode de prise de décisions collectives fondées sur des interactions guidées par les solutions plus que sur l’analyse des problèmes. Une philosophie de discussion et de questionnement que nous pratiquons beaucoup chez Semawe avec l’approche Solution Focus !
La méthode SDMI se déroule en 5 étapes :
- Définir le but, le futur désirable.
- Identifier le point de départ, la situation actuelle, de quoi les acteurs sont responsables, quel est notre périmètre d’autorité… ?
- Se poser la question de la méthode pour atteindre le but.
- Communiquer de façon claire et bienveillante.
- Se poser la question du temps disponible pour réaliser ces actions.
Au siège social, une vingtaine de personnes, avec des rôles de coachs, sont là pour accompagner les auxiliaires de vie sur le terrain. Et la soixantaine d’auxiliaires s’auto-organise en communautés locales. La société a fait le pari d’investir dans le développement d’une application. Un logiciel collaboratif qui permet aux auxiliaires d’avoir le pouvoir sur leur planning, d’avoir des indicateurs partagés sur la qualité, l’économie et le bien-être dans le travail.
Alenvi a le souhait de rester en cohérence avec sa raison d’être et sa mission d’influencer tout un secteur économique dans lequel aujourd’hui, “on s’occupe peu des gens qui font le job !”
Son ambition est de : “faire changer le secteur économique de l’aide à domicile, vers une vraie humanisation de ces services”.
Impulser un changement dans le secteur du soin
La vision de la responsabilité sociale d’Alenvi est ouverte. L’entreprise veut partager ses innovations et non pas les garder pour elle-même, dans le but de faire changer tout le secteur et au-delà même, faire avancer la cause de l’entreprise sociale !
Les fondateurs d’Alenvi ont pour cela participé à la co-création du collectif L’humain d’abord qui a pour mission d’accompagner la transformation organisationnelle dans le secteur de l’aide et du soin. Cinq structures se sont réunies pour réinventer un secteur économique sanitaire et social dans lequel le mal-être au travail est répandu : Soignons Humains, Alenvi, Adhap Rouen, Vivat et l’Atelier 48
Dans les communautés d’auxiliaires de vie, sur le terrain, l’entreprise a mis en place des rites qui aident à autonomiser les groupes. Par exemple avec la possibilité de créer des groupes auto-gérés pour résoudre les problèmes rencontrés. Ce type de pratique porte une culture responsabilisante des acteurs.
Une démarche de fond sur sa vision et sa mission
Dans son cheminement pour devenir une entreprise à mission, Alenvi est actuellement en train d’écrire sa raison d’être pour l’inscrire dans ses statuts dans les prochains mois. Pour l’instant, l’intention est d’exprimer une raison d’être centrée sur l’humanisation de l’accompagnement à domicile des personnes âgées. Dès le mois de septembre, des ateliers participatifs sont prévus avec les salariés, les investisseurs, les partenaires, les usagers. L’entreprise veut prendre des engagements d’entreprise à mission pour chaque partie prenante.
Alenvi ou l’envie d’évoluer vers toujours plus de bien-être des individus quels qu’ils soient. Une entreprise à suivre de près !
Crédits photo : Alenvi
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