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Voici le récit d’une expérimentation menée en 2018 à Grenoble, dans un petit collège associatif. Il s’agit d’une occasion rare d’introduire les pratiques Agiles pour des jeunes publics, avec un vrai enjeu de cohésion et de vie du groupe. Le but était de répondre à un besoin urgent de mieux-vivre ensemble, dans un temps court, cela en quelques interventions. La rétrospective Agile aura permis de faire bouger certaines postures !

Le contexte

Un Collège Montessori à Grenoble, qui connaît dans son groupe de collège (12-15 ans) des difficultés relationnelles entre les enfants et avec l’éducatrice.

Je propose à cette école de prendre du temps pour tester avec ce groupe une approche Agile. Introduire l’Agilité dans un cadre pédagogique est une occasion formidable de confronter les pratiques Agiles que nous appliquons dans l’équipe de Sémawé, à un contexte d’éducation et à un public d’adolescents !

La proposition

Organiser tous les 15 jours une rétrospective Agile, dont je suis le facilitateur. Tout le groupe participe : les collégiens et leur éducatrice. Les rétrospectives durent 2 heures et ont pour but d’améliorer le vivre ensemble du groupe et les conditions de travail de ce petit collège Montessori de Grenoble.

    L’expérimentation Agile dans le collège

    Je prépare la première rétrospective comme j’ai l’habitude de les concevoir pour Sémawé ou lorsque j’anime des rétrospectives d’équipe dans des entreprises ou d’autres organisations. Je propose au groupe d’utiliser des exercices qui me semblent plutôt simples, c’est mieux pour aborder un format de réunion tout à fait nouveau.

    L’accueil mi-curieux, mi-désabusé des adolescents du groupe est déjà une surprise. Il y a dans le groupe une très forte hétérogénéité d’envies et d’objectifs, si bien qu’il n’est pas évident d’aligner tout le monde sur un objectif commun.

    Une école est un contexte un peu particulier par rapport à une entreprise. Tous les enfants n’ont pas choisi d’être là ! Que répondre à un ado qui vous lance : “moi si j’avais le choix, je n’irais pas à l’école” !? L’école est obligatoire jusqu’à 16 ans. Point. Mais tout d’un coup, les grands principes de liberté sont compliqués à appliquer dans l’immédiat avec une telle remarque. Je suis obligé de reconnaître qu’il y a une contrainte dans la rétrospective. Mais c’est finalement précisément son objectif, que d’arriver à améliorer un contexte de travail contraint.

    C’est en soi un parallèle intéressant avec les situations que l’on rencontre dans des entreprises pyramidales. Il existe cette perception des salariés de ne pas avoir réellement le choix de leur présence. La crainte de la difficulté à changer d’emploi par exemple peut contraindre d‘une certaine façon des individus à accepter des environnements qui ne leur conviennent pas.

      Le retour sur l’expérience

      Les difficultés du groupe pour suivre une rétrospective Agile ont été les mêmes que celles rencontrées par les groupes d’adultes que j’ai accompagnés sur ce même exercice dans leur entreprise.

      1- Difficultés d’attention : Les adultes papotent, pianotent sur leur smartphone, ou rêvassent pendant qu’on donne les consignes d’un exercice… Et les enfants font de même, avec un peu moins d’inhibition ! Au lieu de regarder leur profil Facebook, ils se bagarrent, montent sur les tables, ou se mettent à pousser d’étranges hurlements ! Mais finalement, il s’agit bien du même déficit de concentration, de la même difficulté à se poser pour entrer vraiment dans un moment de concentration sécurisé.

      2- Difficultés à respecter une consigne très simple : Lorsque chacun doit poser ses post-it au tableau et expliquer aux autres ce qu’il ou elle a voulu dire, cela crée un petit tumulte où plusieurs personnes se retrouvent debout, pressées de présenter leurs post-it, mais pas très attentives à écouter la personne qui parle. Et chacun de se scandaliser du peu d’écoute dont il ou elle bénéficie pendant son explication !

      3- Une tendance à l’accusation : Comme s’il existait un conditionnement à rejeter la faute sur les autres, à identifier la sources des problèmes chez les autres. Dans une rétrospective Agile, il n’est pas permis de critiquer une personne ou l’accuser. Ce qui ne doit pas empêcher d’exprimer une frustration, une crainte. Pour autant, cette consigne est difficile à respecter lorsqu’un passif de ressentiments négatifs est bien installé. C’était donc le cas pendant cette expérience.
      Et d’un autre côté, il était évident qu’il existait dans ce groupe une vraie propension à la bienveillance, puisque dans les exercices où il s’agissait de dire des choses positives et agréables sur les autres membres du groupe, ils n’ont éprouvé aucune difficulté à le faire.

      4 – En chemin vers plus de responsabilisation : Malgré les surprises liées au contexte de ces rétrospectives Agiles en milieu scolaire, malgré l’introduction tardive de cette méthode dans le groupe (nous sommes en fin d’année scolaire), il s’est produit un effet positif très net.
      Les enfants ont su manifester sur le champ le simple fait qu’ils ont passé un bon moment. Puis lors de mes passages suivants dans le collège, plusieurs sont venus spontanément m’apporter leur soutien en me disant “ Ah ! Merci beaucoup de revenir animer une rétro, ça fait vraiment du bien au groupe chaque fois !”. En tant que facilitateur, c’était assez surprenant, tant il y avait de tensions accumulées qui s’exprimaient pendant les rétrospectives, mais j’ai pris ces signaux pour des encouragements à persévérer.
      Du point de vue de l’éducatrice du groupe, le bénéfice se traduisait plutôt par l’introduction de nouveaux outils méthodologiques pour piloter le groupe. Nous avons vu éclore notamment dans les semaines qui ont suivi les premières rétrospectives de nouvelles pratiques de responsabilisation des enfants. Cela passait par exemple par la prise en charge des tâches de vie quotidienne par les collégiens eux-mêmes sur une base volontaire.

      Ce que j’en retire

      La conclusion de cette expérience forte et complexe est que l’Agilité – et en particulier l’exercice de la rétrospective – se prête malgré tout parfaitement au fonctionnement d’un groupe dans un cadre scolaire.

      Il est évident que la méthode aurait pu apporter beaucoup plus si elle avait été introduite dès la constitution du groupe, c’est-à-dire en début d’année scolaire.

      Ce que l’expérience montre aussi, c’est que dans un contexte imparfait à de nombreux points de vue, l’Agilité a une bonne efficacité curative pour traiter des problèmes existants et anciens.

      Une école Montessori est probablement un cadre de test un peu spécifique par rapport à une école conventionnelle, mais cette expérience est aussi rassurante sur ce point. L’essentiel des difficultés de fonctionnement du groupe pendant la rétrospective venait de comportements issus très directement des apprentissages comportementaux dans l’école “classique”. La quasi totalité des enfants du groupe ayant vécu une majeure partie de leur scolarité dans des écoles conventionnelles. C’est-à-dire notamment dans un contexte de grande infantilisation, où la parole de l’enfant est perçue comme peu fiable, à faible valeur. Et par ailleurs, une forte attente de la part des enfants à provoquer la réaction des encadrants adultes, parce qu’ils ont appris pendant leur scolarité qu’ils devaient obtenir la reconnaissance (ou les réprimandes) des adultes et non pas travailler pour eux-mêmes.

      Venir faciliter des ateliers Agiles dans une école est une expérience de facilitateur assez remarquable, hors du commun, très enrichissante. Le feed-back en direct du public est moins inhibé que chez les adultes, et la force des conventions sociales est très présente néanmoins. Hors du commun parce que c’est une occasion rare à l’échelle de la société de pouvoir échanger avec un groupe de jeunes tout en les considérant comme des individus autonomes et libres de penser et d’agir. Enrichissante parce que ces terrains nouveaux de l’application de l’Agilité sont une occasion de progrès dans ma posture de facilitateur. La facilitation – au contraire de l’animation – induit une position de support du groupe, une position basse, pour permettre des apprentissages par l’expérience. Déjà Socrate nous disait que le savoir n’est pas une chose que l’on dépose dans la tête des enfants, l’important étant d’apprendre à apprendre !

      Mon but était d’offrir au groupe la possibilité de mieux vivre son quotidien, d’apporter du bien-être à ces adolescents en situation d’apprentissage. La proposition de l’approche méthodologique Agile présente l’atout de permettre une évolution des postures individuelles dans le groupe. A ce titre cette expérimentation gagnerait certainement à être reproduite dans d’autres écoles, collèges, universités.

      Je souhaite renouveler l’expérience aussi parce que cela permet de sortir des cadre connus du monde du travail et cela réinterroge et permet d’améliorer les pratiques de la facilitation Agile.

      Le déroulement

      Voici comment se découpe généralement une rétrospective :

      • Ouverture
      • Remontée d’informations
      • Générer des idées
      • Décider des actions
      • Clôture

      Les exercices peuvent être différents d’une fois sur l’autre. Nous pouvons nous inspirer d’idées trouvées par exemple sur ce site : plans for retrospectives.

      Et parfois nous en inventons et les testons ! La créativité n’est jamais brimée à Sémawé !

       

      Les actions

      Il s’agit d’un point important car elles représentent une sorte de pont entre la rétrospective qui vient de se terminer et celle d’après. Ce sont notamment elles qui vont nous permettre de nous améliorer sur certains points. Avant de décider de leur pertinence, nous les passons par le filtre “SMART”. C’est ainsi qu’une action se doit d’être :

      • Spécifique (à un problème donné)
      • Mesurable (avec un indicateur de succès ou d’échec)
      • Acceptable (par les parties prenantes concernées)
      • Réalisable (en terme de moyens, délais, ressources…)
      • Temporellement définie (avec une limite et/ou une durée)

      Ensuite, chacun(e) prend en charge une action à mettre en place, et c’est parti jusqu’à la prochaine !

      Vous avez envie d’essayer ? Si oui, alors lancez-vous ! Le meilleur moyen d’avancer, c’est de tester, ajuster, retester… En tous cas, c’est le leitmotiv de Sémawé et ça nous plaît bien !

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