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Le témoignage de Jim et Stéphanie, fondateurs de Mini Big Forest.

Jim Bouchet est directeur et co-fondateur de MiniBigForest. Formé à la méthode Miyawaki par UrbanForests, il est spécialisé dans la botanique, dendrologie, ornithologie et la géologie.

“Je suis né avec 2 chaussures de marche aux pieds, et des yeux grands ouverts sur la Nature que je parcours et cherche à comprendre depuis toujours. Je suis un homme de terrain : j’ai à cœur d’aller à la rencontre des arbres de nos futures forêts, et de partager mon savoir scientifique et naturaliste.”

Peux-tu présenter Mini Big Forest ?

Mini Big Forest est une association d’intérêt général qui a pour mission de planter des forêts urbaines participatives : des mini forêts dans les collectivités ou dans les écoles avec les habitants des quartiers, les écoliers, les lycéens et les collégiens. L’idée est de renaturer, réparer la terre et de permettre aux hommes de se renaturer à travers des actes de plantations de petits écosystèmes forestiers. Voilà notre mission.

Nous sommes trois à travailler au quotidien, nous sommes deux co-fondateurs de l’association avec Stéphanie, et avons recruté une troisième personne, Denise qui apporte la vision stratégique et chiffrée dont nous avons besoin au quotidien. Des adhérents et des bénévoles sont sur le terrain avec nous et nous permettent de faire tout ce travail d’encadrement pendant les suivis de plantation. On a énormément de suivi de plantation, c’est-à-dire qu’on ne plante jamais un espace qu’on ne va pas entretenir après. On a de la prise de soin avant, pendant et après la plantation, et tout ce réseau de bénévoles est là pour nous accompagner aujourd’hui.

On existe officiellement depuis décembre 2018 mais le projet existe depuis juin 2018.

Qui fonctionne en Holacracy aujourd’hui dans votre organisation ?

C’est vraiment le noyau de notre association qui fonctionne en Holacracy parce que cela fait très peu de temps que nous sommes trois. Nous avons changé de métier avec Stéphanie, avant, nous travaillions dans la communication, j’ai dû me désengager de l’entreprise dans laquelle je travaillais depuis plus de trente ans. Je suis officiellement à 100% dans mes fonctions et à plein temps chez Mini Big Forest depuis septembre 2020. Donc pour ce qui est d’Holacracy, nous préférions vraiment nous en imprégner avant de le faire rayonner aux gens qui vont nous rejoindre. Une antenne de Mini Big Forest vient d’être lancée à Bordeaux depuis très peu de temps. Elle est dirigée par quelqu’un avec qui nous pratiquons quelques outils de l’Holacracy notamment des réunions tactiques.

    Vous avez fait 9 séances de coaching en Holacracy avec Semawe, est-ce que tu te souviens de ton état d’esprit lorsque tu as découvert le système ? Avais-tu des réticences, ou étais-tu au contraire emballé dès le départ ?

    C’est Stéphanie qui a impulsé l’idée d’adopter Holacracy auprès du groupe.Je sais que lorsque Stéphanie impulse des choses, c’est souvent en suivant ses intuitions, je la suis même si j’ai des freins. Et il se trouve que je suis quelqu’un de très hors-cadre, je déteste le cadre, les systèmes, la rigidité, tout ce qui peut être normatif. Donc j’étais un peu partagé entre ma confiance envers les intuitions de Stéphanie et en même temps la peur de ne pas bien savoir dans quoi on rentre. J’ai partagé dès le départ à notre coach Aliocha que j’avais beaucoup de doutes concernant ma capacité à aller jusqu’au bout de cette formation, parce que ça me paraissait impossible. Puis il y a eu deux choses qui se sont passées, d’abord la personnalité et le talent d’Aliocha à nous accompagner de façon brillante, éclairante et très intuitive. C’était très rassurant pour moi d’avoir quelqu’un en face de moi qui était très bienveillant, qui n’était pas en train de me refourguer le énième système de management comme je l’ai vu dans la Com pendant des années et qui n’a aucun intérêt. Ensuite ce qui a vraiment tilté pour moi qui suis passionné des sciences de la vie c’est ce côté organique de l’Holacracy (Holacratie). Là où j’avais vu un système fermé avec des cercles auxquels je ne comprenais rien et qui me faisait peur, j’ai commencé à comprendre que cela fonctionnait de manière cellulaire, comme un corps avec ses cellules. J’ai vu la vision presque biologique de l’Holacracy. C’est à partir de ce moment-là et avec l’accompagnement d’Aliocha, que ça a été gagné pour moi !

     

    Quels genre de freins as-tu rencontré une fois que la machine est en marche ?

    Le frein était d’imaginer tout ce qu’il y avait à faire pour nourrir l’Holacracy et pour en faire quelque chose de vivant. Évidemment ça allait nous demander du travail et de s’y mettre vraiment. Sauf qu’à ce moment là, le Covid avait décalé beaucoup de choses, provoquant une surcharge de travail qui s’était déporté sur la fin de semestre 2020, nous étions déjà en train de préparer nos plantations de l’automne, et je me suis dit qu’on n’allait jamais réussir à vraiment se l’approprier.Ces freins ont été levés par le groupe, on a décidé de se programmer des réunions de gouvernance et tactique toutes les semaines pour s’approprier le process. Le rôle de facilitateur m’est incombé de manière collective, c’est quelque chose que j’aime. Ce sont toutes ces petites choses qui font qu’à partir du moment où l’expérience est là et que ça continue d’être organique, ce n’est plus un frein.

     

    Qu’est ce que ça a changé dans l’équipe ?

    Ça a changé beaucoup de choses. Avant de commencer Holacracy, on avait une réunion chaque semaine dont on ne savait plus quoi faire. On n’en voyait pas le sens, elle était interminable, elle ne concernait pas tout le monde.La réunion tactique nous a vraiment permis de gagner du temps et d’aller à l’essentiel. Ça nous a vraiment permis de faire un distinguo entre ce qui est de l’ordre de la tactique et de l’ordre de la gouvernance, et de ne pas mélanger les sujets.

    Surtout je me suis aperçu qu’on pouvait avoir une problématique posée, qu’elle n’était pas forcément parfaite, mais que le process pouvait la faire évoluer. C’est très vivant en fait. On n’était pas obligé d’arriver tout de suite avec une solution.Holacracy nous permet de mettre rapidement dans la matière une tension et d’en faire quelque chose, même si c’est imparfait. Et d’accepter l’imperfection, c’est quelque chose qui me parle beaucoup, c’est-à-dire que la vie fait plein d’essais avant d’arriver à des choses satisfaisantes. C’est la même chose : essayons, et nous verrons bien !

    Il y a aussi quelque chose de très personnel lorsque l’on apporte une tension : c’est notre tension à nous. Ça pose du respect et des espaces pour chacun qui sont très clairs. Cela peut être inconfortable au début, on a tous vécu cette pression en réalisant : c’est ma tension, il faut que j’y aille, que je rentre dans le process et que j’en fasse quelque chose. Donc ça amène à être acteur et vivant dans l’organisme.

     

    Est ce que Holacracy venait répondre à un autre besoin ?

    Oui ! Lorsque nous avons commencé le projet avec Stéphanie, on s’est réparti le travail de manière plus ou moins claire. Par conséquent, notre périmètre de travail était souvent à cheval sur le périmètre de l’autre. On avait peu de clarté sur qui faisait quoi. Holacracy nous a amené à clarifier les fonctions de chacun.

     

    Dans le cadre de l’accompagnement en Holacracy, tu as notamment participé à une session d’émergence d’une raison d’être pour votre organisation. Quel en était l’enjeu ?

    Avec Stéphanie nous avons monté le projet comme un projet de cœur, qui nous a amené à quitter nos métiers et à nous engager en faveur des habitants de cette planète. A l’époque, nous avions déjà une idée de notre raison d’être pour ce projet. Mais ça a été incroyabe de se questionner trois ans après, et de voir que ce n’est plus la même, que les motivations sont différentes, et de voir que c’est ça qu’on respire, c’est ça qu’on vit tous les jours et c’est ça qu’on a envie de vivre tous les jours. Pouvoir le reposer dans la matière, c’est ré-impulser quelque chose d’essentiel pour nous.

     

    Qu’est-ce qui t’a le plus marqué dans cette expérience ?

    Ma grande révélation à travers cette expérience, c’est que ce que chacun porte en lui, lui appartient. Donc lorsqu’on apporte une tension et que les autres proposent des contributions pour nous aider, elles peuvent être retenues, mais pas forcément. Et quoi qu’il arrive la tension continue à être traitée grâce au process. Pour moi, c’était vraiment quelque chose de nouveau. Au début je me souviens que mes premières réactions pendant les réunions tactiques ou de gouvernance étaient d’interrompre l’autre sans arrêt, de donner une idée ou un avis, et là, d’écouter l’autre, de le laisser aller jusqu’au bout, avec ses phases dans le process dans lesquels tu ne peux pas intervenir, c’était décontenançant mais en même temps j’ai vu la richesse du process.

    Un organisme comme le nôtre est très mouvant et l’Holacracy accompagne vraiment ce qui est fluctuant, vivant, sans le figer. C’est un marqueur à un temps donné et ce temps donné peut évoluer, c’est-à-dire que c’est ça aujourd’hui, mais demain ça peut être autre chose. Et cela vaut pour une tension, une politique, une raison d’être etc… Et ça m’a beaucoup rassuré. Pour moi qui suis amoureux de l’histoire de l’évolution sur la planète, cela fait vraiment sens. Sinon, on n’évolue pas, on devient un dinosaure qui a disparu à l’ère du Jurassic parce qu’il n’a pas su évoluer comme il fallait. Donc cette idée de transformation me semble importante. Nous travaillons avec le vivant dans notre organisation, et le vivant est imprévisible, il y a des choses que l’on peut anticiper, mais on ne peut anticiper ni un gel, ni une pluie, ni un rayon de soleil qui va faire que tel hêtre va pousser mieux que le charme qui est à côté. Et avoir une organisation qui complète le vivant par un modèle vivant, c’est juste le bonheur et je ne m’y attendais pas.

     

    Entretien avec Stéphanie de Mini Big Forest

    Stéphanie est cofondatrice de Mini Big Forest et responsable de la coordination et du développement. Formée à la méthode Miyawaki par UrbanForests, elle est spécialisée dans la permaculture, la communication, l’intelligence collective et la facilitation graphique.

    “Exploratrice de sens, j’accumule depuis des années le savoir sur la Nature et l’Humain. Je suis une femme d’organisation et de communication ! J’ai à cœur de faire rayonner les arbres et Mini Big Forest, au service de la planète.”

     

    Quelle est ta mission chez Mini Big Forest ?

    Je suis co-fondatrice de l’association avec Jim et chargée de coordination et de développement. Concrètement je m’occupe de la communication, de la coordination avec les bénévoles et de l’ensemble du volet participatif. Je m’occupe aussi des financements des projets, de la recherche de fonds, des partenaires mécènes, des appels de fondations et des dossiers de subvention.

     

    Qu’est-ce qui t’a convaincu d’adopter Holacracy ?

    Il y a quelque temps j’ai appris qu’une de mes connaissance qui avait lancé son projet entrepreneurial sur Grenoble était accompagnée par Semawe, et qu’en interne cela avait suscité beaucoup de changements. Cette personne est comme une référence pour moi. Donc l’idée de changer de fonctionnement a émergé dans ma tête. Et d’une manière concrète ça a pris sens à un moment où mon équipe s’est transformée, puisqu’il y avait un nouveau comité de pilotage qui se mettait en place, qu’on lançait une nouvelle branche de l’association en Aquitaine, et qu’il y avait à fédérer les bénévoles. On sentait que l’association était en train de s’agrandir, avec une équipe globale plus importante et on avait envie de tenter l’aventure, de voir ce qu’était une gouvernance sous format Holacratique.

    L’idée était d’améliorer la communication, de clarifier les rôles, et de mieux répartir la charge de travail et les prises de décisions. Jim et moi étions régulièrement en surcharge.

     

    Quels ont été les challenges auxquels vous avez été confrontés sur votre chemin pour adopter Holacracy ?

    Il y en avait plein. Il y avait des séances qui étaient très éclairantes pour nous trois. Je dis trois parce qu’il y avait Jim, moi et Denise, la présidente de l’association. Et d’autres séances où je me souviens avoir été en inconfort, cela venait vraiment me chambouler sur des valeurs que j’avais mélangé je pense. J’avais mélangé trop d’émotionnel avec mes rôles, si bien que le rôle et la personne étaient complètement imbriqués. Mais ça m’a permis de vraiment libérer des espaces. C’était aussi difficile de démarrer les réunions par des tensions. C’était même difficile de trouver des tensions, de bien comprendre ce concept de “tension”, de les verbaliser, avec toujours le doute de l’importance ou non de la tension que l’on apporte etc… Et petit à petit, tout s’est clarifié : l’intérêt que ça a d’y aller, d’oser poser sur la table les tensions, et comment ça fluidifie le fonctionnement de l’organisation.

     

    Qu’est-ce qui provoque le passage entre la réticence et l’ouverture ?

    C’est vraiment l’expérimentation avec Aliocha, le fait d’avoir un coach, un formateur qui nous amène à plonger dans l’expérience et où on en ressort avec des pépites. On se disait woaw, c’est vraiment puissant en fait. Les premières séances étaient assez confuses et puis petit à petit c’est devenu de plus en plus clair.

     

    Qu’est ce qui a changé dans votre fonctionnement ?

    La réunion du lundi matin, le format de cette réunion est beaucoup plus opérationnel, avec un traitement des tensions sur Glassfrog. Les réunions sont beaucoup plus courtes, plus ciblées avec des sujets qui concernent tout le monde. Nous avons également mis en place le logiciel Slack, qui est un outil beaucoup plus pratique pour la communication interne et qui nous permet en interne d’être mieux organisés. La pratique des réunions de gouvernance est encore en travail, nous en sommes à l’étape de l’écriture des cercles et des rôles. Cela prend du temps mais à chaque fois ce sont des grands moments de respiration pour l’équipe.

    Au début nous avions décidé de placer la réunion de gouvernance suite à la réunion tactique mais on s’est rendus compte que ça frottait parce que ça nous demandait deux énergies très différentes. Le lundi matin on avait vraiment envie de descendre dans l’opérationnel directement après la réunion tactique. Donc on a déplacé la réunion de gouvernance au vendredi après midi pour avoir un moment pour prendre plus de hauteur et plus de temps aussi qu’implique la réunion de gouvernance. Nos semaines sont encadrées de cette manière.

     

    Veux-tu me parler de la séance que vous avez fait avec Aliocha sur l’émergence de votre raison d’être en tant qu’organisation ?

    Oui, alors c’était étonnant parce que c’était la dernière séance prévue avec Aliocha et logiquement il avait prévu de nous transmettre quelque chose, je ne sais plus quoi, et il a commencé sa séance en parlant des tensions et on a évoqué une tension liée à la gouvernance. La tension était que l’on n’arrivait pas à remplir la raison d’être. On ne savait pas où la mettre ou quoi en faire. Il nous a demandé si nous avions déjà travaillé sur notre raison d’être, on lui a répondu que non. Il a senti qu’il y avait quelque chose qui manquait à ce niveau là et il a choisi d’embrayer la séance là-dessus. Et ça a vraiment été un processus très immersif, en co-construction avec Denise et Jim, où à la fin on a vraiment senti que la raison d’être qui émergeait c’était celle qui pétillait pour chacun d’entre nous. Ça nous a mis dans un processus créatif et très joyeux, c’était comme une nouvelle naissance pour Mini Big Forest. Suite à ça, on l’a laissé infuser puis nous l’avons présentée au comité de direction la semaine suivante. C’était un nouveau souffle pour nous. J’ai l’image des arts martiaux, avec des personnes qui ont une posture très alignée, qui va faire que la cible est visée parce que la respiration de la personne sera juste et le fait de trouver cette raison d’être il y avait le même alignement intérieur. C’est se dire d’un coup que toutes les petites tâches que l’on fait au quotidien sont justifiées par la mission que l’on porte.

     

    Qu’est-ce qui t’a marqué au travers de cette expérience ?

    La notion de leadership dans son propre cercle, je sens que c’est confortable d’être leader de son cercle et de pouvoir demander des avis des uns et des autres, en sachant qu’à la fin c’est bien nous qui prenons la décision. C’était une notion importante pour moi, pour valider quelque chose au niveau personnel.

    J’ai aussi été marquée par le fait de démarrer les réunions avec des tensions. Ca a été une petite révolution intérieure de se dire okay, d’habitude dans certains modes opératoires les tensions c’est vraiment ce que l’on va mettre sous le tapis et surtout ne pas en parler, et là le fait de démarrer par ça, c’était plus constructif. Il y avait aussi le fait de sentir que l’organisation a sa vie propre, que des choses peuvent émerger de l’organisation elle-même et que nous sommes seulement au service de celle-ci. On avait déjà cette façon de percevoir l’organisation avant Holacracy (Holacratie) et le fait d’adopter ce système nous a permis de conforter cette vision et d’être toujours en ajustement avec cette organisation qui évolue et qui a sa propre vie. Un autre apprentissage pour moi est le fait que la réunion tactique est très guidée. Je peux voir le côté rigide mais j’y vois aussi une manière de mieux sectoriser et clarifier les espaces.

     

    Comment te représentes-tu ton organisation que tu décris comme vivante ?

    Je me la représente par le mouvement, comme si c’était une forme d’eau protéiforme qui peut bouger avec beaucoup de fluidité et nous sommes les danseurs qui accompagnent cette forme.

     

    Veux-tu me partager une dernière chose :

    Oui, c’est vraiment la qualité du coaching d’Aliocha qui nous a subjugué parce que comme tout système, Holacracy peut être rigide si appliqué à la lettre. Et le fait de travailler avec Aliocha, du fait de sa sensibilité et de son accompagnement très très fin, de sa capacité d’écoute et à sentir le groupe, nous a amené à travailler dans des endroits très granulaires de notre organisation. C’était assez jouissif de bénéficier de cet accompagnement de grande qualité.

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