Comment une équipe a transformé son organisation sans imposer le cadre, mais en le révélant par la pratique.
« Nous avons réduit nos réunions de quatre heures à une heure, sans perte d’efficacité. L’information circule mieux, les décisions sont prises plus vite, et surtout, chacun sait enfin qui fait quoi. »
Alexandre Julien Robatel
Mettre en place l’Holacratie dans une institution militaire ? L’idée peut sembler paradoxale. Pourtant, c’est bien ce qu’a entrepris Alexandre Julien Robatel, Chef planification, finances et contrôle de gestion et Suppléant chef d’état-major au sein de l’Armée Suisse. Son approche : ne pas imposer un modèle, mais accompagner son équipe à le découvrir par l’expérimentation. Un an après, les résultats parlent d’eux-mêmes : une organisation plus fluide, une autonomie accrue, et des réunions transformées.
Retour sur une transition étonnante et inspirante menée par un tempérament d’explorateur !
Un changement nécessaire pour une équipe en mutation
Quand Alexandre prend la direction de son équipe en janvier 2024, il hérite d’un mode de fonctionnement très hiérarchisé :
« À mon arrivée, l’équipe fonctionnait en vase clos, avec une culture de contrôle très forte. Je devenais le chef d’une équipe en place depuis de nombreuses années »
Un tiers de l’équipe approche l’âge de la retraite et des habitudes de travail sont ancrées. Alexandre en étant nommé à la tête de cette équipe, voit là une opportunité : plutôt que d’imposer immédiatement un nouveau système, il décide de poser un regard neuf sur les pratiques existantes.
Observer avant d’agir : un rapport d’étonnement décisif
Avant de prendre la moindre décision, Alexandre adopte une posture d’observation. Pendant un mois, il prend des notes sur tout ce qui le surprend, ce qui fonctionne et ce qui pourrait être amélioré. Il synthétise ses constats dans un « rapport d’étonnement » et le partage à son équipe.
« Je n’ai pas cherché à juger. J’ai simplement mis en évidence ce qui m’a marqué : les doublons, les lenteurs administratives, les silos de communication… C’était très important pour moi de faire ce travail avec impartialité ! »
Ce rapport crée une première onde de choc, mais pose surtout les bases de la future démarche de transformation.
Démarrer sans dire « Holacratie » : une expérimentation guidée
Plutôt que d’annoncer un changement radical, Alexandre engage son équipe dans une série d’expérimentations. Pendant 1 mois il leur demande de répertorier l’ensemble de leurs activités quotidienne sur un grand tableau dans leur bureau commun. Au bout d’un mois, Alexandre a de la matière pour commencer le travail de clarification du “Qui fait quoi ?”.
« Je n’ai pas parlé d’Holacratie au départ. J’ai commencé par cartographier les activités de chacun et à les structurer en cercles. En simultané j’ai demandé à chaque membre de l’équipe de choisir un rôle à formaliser dans cette cartographie. »
L’équipe joue le jeu. Rapidement, les rôles émergent naturellement, et chacun se réapproprie ses missions.
« On a découvert qu’on avait des tâches en double, que certaines étaient délaissées faute de clarté. Faire ce constat était très intéressant »
Petit à petit, Alexandre introduit les rituels de réunion et les principes de gouvernance distribuée, sans jamais imposer un cadre rigide.
« On a mis en place des réunions tactiques, mais au début, on les appelait juste ‘tables rondes’. On a structuré les prises de décision, mais on a gardé des mots familiers. Je voulais que l’équipe découvre l’intérêt du système avant de lui mettre une étiquette. »
Des résultats concrets : réunions plus courtes, décisions plus fluides
L’impact est très rapide. Les réunions, qui duraient quatre heures, sont réduites à une heure.
« Avant, les gens arrivaient en réunion et racontaient leur semaine. Maintenant, on ne garde que l’essentiel : les blocages, les décisions à prendre, les actions prioritaires. Et surtout, chacun sait pourquoi il est là et ce qu’il peut apporter. »
L’équipe se prend au jeu. Chacun devient acteur de la gouvernance, les tensions se résolvent plus vite et les responsabilités sont clarifiées.
« Ce n’est plus moi qui leur impose un cadre, c’est eux qui en voient l’intérêt et l’adoptent. »
Une contagion positive au-delà de l’équipe
Le changement dépasse rapidement le cadre du service d’Alexandre.
« Nous avons commencé à proposer la réunion tactique aux équipes avec lesquelles nous collaborons. Cela demande un peu de temps de mise en place mais une fois la pédagogie installée cela permet d’essaimer cette culture agile et pragmatique. »
Son supérieur hiérarchique s’y intéresse à son tour et décide d’élargir l’expérimentation à d’autres unités.
« L’Holacratie n’a pas été imposée par la hiérarchie, elle s’est diffusée parce qu’elle était utile. Nous avons d’ailleurs décidé d’élargir la démarche en faisant intervenir Sémawé lors d’une journée de sensibilisation »
L’humain au cœur de la transformation
Ce qui frappe dans cette histoire, c’est l’impact humain du changement. Les profils seniors qui auraient pu être réticents deviennent des moteurs du projet :
« Deux collègues proches de la retraite ont décidé de tester les rôles de scribe ou facilitateur avec enthousiasme, une autre collaboratrice a décortiqué la constitution Holacracy ! »
De même, une jeune collaboratrice à temps partiel, initialement sceptique, s’est révélée être un leader naturel.
« Elle me disait : ‘Moi, je suis à 50%, je ne peux pas être leader’. Je lui ai répondu que son pourcentage d’activité n’avait rien à voir avec sa légitimité. Aujourd’hui, elle pilote un cercle et prend des décisions clés. »
Ou encore certains talents révélés.
“Parmi les plus jeunes, des talents ont émergé car ces personnes ont compris qu’elles pouvaient proposer des choses. Elles sont désormais reconnues dans leur domaine d’expertise par le reste de l’organisation.”
Pour Alexandre, c’est là le vrai succès :
« Plus que la méthode, c’est le fait que chacun puisse prendre sa place qui fait la différence. Mon rôle de manager c’est de soutenir les talents. L’expertise technique n’est pas chez moi elle est chez les membres de mon équipe »
Un modèle agile pour une institution rigide ?
Loin des clichés sur la rigidité militaire, cette transformation prouve qu’il est possible de réconcilier autonomie et discipline.
« Nous n’avons pas mis en place l’Holacratie pour ‘faire moderne’. Nous l’avons mise en place parce que ça répondait à un besoin concret : mieux s’organiser, mieux collaborer, mieux décider sans passer par tous les échelons hiérarchiques »
Et la suite ?
« On continue d’ajuster. Nous n’avons pas signé la constitution Holacratie pour l’instant, car notre état-major veut élargir l’expérimentation. Mais dans les faits, nous appliquons déjà le modèle au quotidien dans mon unité. »
Ce qu’on peut retenir de cette transition réussie
1️⃣ L’expérimentation avant la théorie : L’équipe a découvert l’intérêt de la méthode avant qu’on lui mette un nom.
2️⃣ Des bénéfices visibles rapidement : Réunions plus courtes, décisions plus claires, responsabilités mieux réparties.
3️⃣ Un impact humain fort : Les talents émergent quand on leur laisse la place de s’exprimer.
4️⃣ Une diffusion naturelle : Le modèle se propage parce qu’il est efficace, pas parce qu’il est imposé.
Un témoignage inspirant qui montre que toute transformation organisationnelle est possible quelle que soit le type d’organisation dans laquelle elle a lieu à partir du moment ou la philosophie managériale suit !
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Juliette Brunerie
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