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« L’Holacratie nous a permis d’accélérer la prise de responsabilité et l’initiative, mais il nous reste des défis à relever »

Chez ALTER SI, cela fait maintenant près de trois ans que l’Holacratie structure l’organisation. Un choix qui ne doit rien au hasard : dès la création de l’entreprise, Thomas Delacourt, fondateur, savait qu’il voulait un modèle de gouvernance partagée. Pourquoi ? Comment s’est passée la transition ? Et quels enseignements tirer de ces trois années de pratique ? Rencontre avec un dirigeant engagé, qui revient avec lucidité sur son expérience.

Un modèle de gouvernance pensé dès la création

Avant même de lancer ALTER SI, Thomas savait qu’il voulait une entreprise fonctionnant en SCOP (Société Coopérative et Participative). Mais une coopérative n’est pas nécessairement synonyme de gouvernance partagée. Il explique :

“La SCOP pose un cadre à long terme : qui détient l’entreprise, comment sont répartis les bénéfices, comment est élu le dirigeant… Mais en dehors de cela, tout est possible. On peut très bien avoir une SCOP avec un modèle de management totalement pyramidal. On peut imaginer un gérant autocrate qui est réélu à chaque fois. Ce n’est pas ce que je voulais.”

Lui cherchait un modèle qui permette un fonctionnement coopératif au quotidien, où chacun a une voix et une responsabilité claire. Pour Thomas, il ne s’agit pas seulement d’un choix organisationnel, mais d’un véritable engagement philosophique.

“L’entreprise est l’un des lieux où se joue le pouvoir dans notre société. C’est un espace où l’on passe la majorité de nos journées, et pourtant, dans la plupart des cas, le modèle dominant ressemble à une oligarchie. Un petit nombre décide pour tous. Ce n’est pas un fonctionnement qui me convient.”

Son attachement à la coopération ne date pas d’hier. Il utilise la métaphore du sport collectif, comme le football :

“Dans une équipe, chacun a un rôle clé au service du collectif. L’arrière-droit ne peut pas décider de regarder la balle rouler sans réagir. Tout le monde est impliqué..”

Pour lui, cette approche est une condition essentielle pour s’épanouir en tant qu’entrepreneur.

“Si mon équipe m’avait dit : ‘Non, on veut une organisation hiérarchique, avec un dirigeant qui décide de tout’, je n’aurais pas accepté. Pour moi ce n’est pas négociable dans mon projet entrepreneurial”

C’est en explorant les alternatives qu’il découvre l’Holacratie :

“Je suis tombé dessus via le MOOC de l’Université du Nous sur la gouvernance partagée. Puis j’ai lu Reinventing Organizations de Frédéric Laloux et j’ai creusé le sujet. Ce qui m’a plu, c’est que l’Holacratie propose un cadre structuré, avec des outils concrets et actionnables. Contrairement à d’autres approches, c’est un système déjà pensé, clé en main, avec la possibilité d’être accompagné dans sa mise en œuvre.”

La rencontre avec Sémawé confirme son choix.

“Ce n’était pas forcément l’Holacratie ou rien, mais en discutant avec Sémawé, j’ai vu que cette méthode répondait précisément à notre besoin de clarté et de répartition explicite des responsabilités.”

Les premiers pas : entre continuité et nouvelles habitudes

Dès le début, l’implémentation d’Holacratie n’a pas été un choc culturel trop brutal.

“Nous avons démarré avec une formation de praticien puis un séminaire de mise en place qui transposait notre organisation existante dans un cadre holacratique. On n’a pas tout bouleversé du jour au lendemain et surtout ca collait déjà plutôt bien avec notre fonctionnement”

Cela a permis une continuité rassurante, tout en introduisant des changements concrets. L’un des plus visibles ? L’adoption des réunions tactiques :

“On s’est mis à structurer nos réunions différemment. La tactique est devenue un rituel. Aujourd’hui, chacun sait ce qu’il vient chercher et ce qu’il peut apporter.”

Autre changement fondamental : la répartition explicite des rôles.

“Avant, il y avait des choses qui étaient implicites. Des gens prenaient en charge certaines tâches, mais ce n’était pas formalisé. L’Holacratie a mis ça noir sur blanc : qui fait quoi, et avec quelle autorité. On a gagné en clarté.”

Trois ans plus tard : des évolutions marquantes

Après trois ans, Thomas constate plusieurs transformations notables.

Une plus grande autonomie des équipes

Certains cercles fonctionnent désormais de manière totalement indépendante :

“J’ai vu apparaître des cercles où je ne suis plus du tout impliqué. Des décisions sont prises, des processus améliorés sans que j’intervienne– et c’est très bien comme ça !”

Un recrutement plus ciblé

ALTER SI intègre l’holacratie dans son processus de recrutement :

“On présente l’Holacratie aux candidats dès les premiers échanges. Ça nous permet de voir s’ils accrochent à ce mode de fonctionnement. Ce n’est pas un critère bloquant, mais un élément différenciant qui permet de traduire notre culture d’entreprise et de voir comment réagit le candidat face à ça.”

Mais tout n’est pas encore parfait.

Les défis encore à relever

Si l’Holacratie a apporté des améliorations, Thomas identifie encore des marges de progression :

🔸 La gestion des priorités

“On a gardé des habitudes d’avant. Certaines décisions restent informelles, alors que l’Holacratie propose des outils pour structurer ça. On ne les utilise pas toujours à fond.”

🔸 L’équilibre entre urgences et vision long terme

“Les demandes clients prennent souvent le dessus. Ça fait partie du jeu, mais du coup, certains sujets internes sont toujours repoussés.”

Un accompagnement clé pour une transformation réussie

Qu’est ce que l’accompagnement de Sémawé a permis ?

“Sans Sémawé, je pense qu’on aurait mis plus de temps et fait pas mal d’erreurs. L’Holacratie, ce n’est pas juste une idée sympa, c’est un cadre précis qui demande d’être bien compris.”

Et ce travail n’est pas terminé :

“Ce n’est pas un one-shot. Même après trois ans, on a encore besoin d’être accompagnés pour aller plus loin.”

Une transformation qui s’ancre dans la durée

L’Holacratie a permis à ALTER SI de bâtir une organisation plus transparente, plus responsabilisante et plus fluide. Mais comme tout changement profond, elle demande un engagement constant et une capacité à ajuster les pratiques au fil du temps.

Un témoignage qui montre que l’Holacratie n’est pas une solution miracle, mais un cadre puissant pour structurer autrement l’organisation et la prise de décision.

Juliette Brunerie

Juliette Brunerie

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