Adoption, accompagnement
On parle d’adoption d’Holacracy : ça prend combien de temps ?
C’est un système, ça prend du temps à mettre en place. Entre le moment où on décide d’y aller et le moment où il y a une pratique fonctionnelle, il faut trois, quatre mois. Pour une pratique mature, il faut un an ou un peu plus. Et pour une pratique autonome, qui se passe d’un accompagnement, il faut compter deux ans.
Il faut désapprendre certains réflexes et en apprendre de nouveau. Comme tout processus de changement, il suscite des résistances. Les coachs de la transformation, ont l’habitude de rencontrer ces résistances. Nous voyons cela d’un bon œil. Les gens qui résistent à une transformation ont généralement de bonnes raisons. Ils ont identifié des risques, ils ont des craintes. Cela nous informe sur les points d’attention, de vigilance. L’idée d’une transformation, c’est d’aller vers quelque chose de mieux. Les promesses des systèmes comme Holacracy sont : une organisation plus agile, mieux adaptée à un monde qui change vite, une organisation qui sait croître de manière sereine, pour cultiver un certain bonheur au travail. On va toujours garder en tête le cap et le but du changement.
En même temps, il ne s’agit pas de tout effacer, il y a plein de choses qu’il faut absolument préserver. L’idée, c’est d’aborder une transformation du système de gouvernance avec un regard équilibré entre ce qu’on veut préserver, ce qu’on veut changer, ce qu’on veut supprimer, en se reposant régulièrement la question si on avance dans le bon sens.
Quels sont les facteurs clés de succès ?
Le premier facteur clé : un alignement de leadership, une vraie décision des leaders. C’est fondamental pour engager une transformation.
La décision d’embarquer une organisation dans l’Holacracy doit venir du leader de l’organisation.
Le deuxième facteur clé de succès : prendre tout le système Holacracy. Comme dans tout système, il y a des équilibres, si on enlève une pièce du système, il ne va pas fonctionner. Ou alors on aura l’impression qu’il marche, mais au bout d’un moment on va se rendre compte que non.
Prenons l’exemple d’un système mécanique, une voiture. Elle possède plein de choses superflues. Il y a un hayon arrière, une lunette arrière. Si vous l’enlevez, la voiture marche tout aussi bien. C’est peut-être juste un peu moins joli. Mais il y a d’autres pièces du système, comme la pédale de frein, si je l’enlève, c’est la catastrophe. Mais ne vous ne le verrez pas tout de suite. Vous allez pouvoir démarrer, sortir du parking, mais attention à ce qui va se passer après.
En Holacracy, si on enlève une pièce du système, c’est la pédale de frein qui vous manque. C’est une des conditions du succès. Le système a été dépouillé de ce qui était superflu. Il n’y a pas la lunette arrière ni le rétroviseur central. Il n’y a que ce qui est indispensable. C’est pour ça que si vous prenez juste le texte des règles du jeu de la Constitution, vous ne pourrez rien en faire. Ce n’est pas par là qu’on rentre dans l’Holacracy.
On va d’abord expérimenter, apprendre à vivre les réunions, former à la facilitation, et après on arrivera à la Constitution.
C’est un peu comme si vous décidiez de vous mettre au tennis pour faire du sport. La première chose que vous allez faire, c’est de prendre une raquette, une balle et apprendre à taper dedans. Vous n’allez pas commencer par lire le règlement de la Fédération internationale du tennis. L’Holacracy, c’est pareil. On prend une balle, on tape dedans et on joue. C’est comme un jeu. Au fur et à mesure, on va se perfectionner, ça va devenir très intéressant d’aller voir les règles. Connaître les règles va permettre d’évoluer dans le système.
Le troisième facteur clé de succès : former suffisamment de gens à la pratique du système Holacracy.
Il faut former au minimum entre un quart et un tiers des personnes de l’équipe pour que ça puisse prendre et se transmettre en interne.
Comment se déroule concrètement un accompagnement à l’adoption d’Holacracy ?
Le premier travail c’est l’encodage d’une structure initiale : avec les rôles et les cercles, on va réaliser la version 0 de l’organisation. Ça permet de gagner six mois. L’organisation pourrait le faire, mais ce serait long et coûteux.
L’idée, c’est de traduire l’existant et le rentrer dans le logiciel. Avec ce qu’on a perçu de l’organisation, ça va permettre d’essayer de tenir une réunion de gouvernance, une réunion tactique, un traitement de tension, une élection sans candidat, toutes sortes de choses qui font partie de l’Holacracy pour que l’organisation puisse les vivre.
Ensuite nous proposons à l’équipe un séminaire qui va durer deux jours ou trois jours. A l’issue, l’organisation pourra décider d’acter ou pas, d’aller au bout du chemin. Ca nous semble important d’essayer avant de décider. Si l’organisation décide d’y aller, alors nous l’invitons à signer la Constitution. Elle n’a pas été lue dans le détail, c’est comme les conditions générales de vente. Vous ne lisez pas tout. Mais c’est là pour offrir certaines garanties et pour avoir un référentiel auquel se rapporter quand on ne comprend pas ou quand il se passe quelque chose qui n’était pas prévu.
À partir de là, c’est le J1 de l’adoption d’Holacracy. Pendant un temps, l’organisation va continuer à fonctionner avec les systèmes hérités du fonctionnement précédent. Pendant cette période, on va former des personnes pour apprendre à faciliter les réunions. Au début, nous facilitons les premières. Petit à petit, on va laisser la main jusqu’à l’autonomie. Cette étape prend douze à dix-huit mois, le temps qu’il faut pour être à 100 % autonome. Au début, nous posons un filet. On viendra tous les quinze jours trois semaines pour observer des réunions et réaliser des supervisions. Nous donnons du feedback sur les pratiques pour permettre à l’organisation de suivre les bons rails et ne pas prendre de mauvaises habitudes.
C’est une période au cours de laquelle nous proposons du coaching pour les leaders de cercles. Être leader de cercle ne s’improvise pas. Il y a un enjeu de posture à trouver qui n’est pas automatique. Nous vous aidons à aller chercher cette posture de leader en Holacracy. Nous vous aidons également à être facilitateur en Holacracy. Et à vivre l’Holacracy.
Vers la fin de la première année de pratique, il y aura un enjeu à former encore un peu plus certaines personnes qui auraient l’envie et l’ambition d’être un peu ambassadrices de l’Holacracy. C’est comme ça qu’elles pourront veiller à l’intégration de nouvelles personnes que l’organisation embauchera. Il va falloir apprendre à transmettre.
Et petit à petit, notre accompagnement va se raréfier puis disparaître. On pourra peut-être continuer à apporter de la valeur ajoutée en venant une fois de temps en temps, parce que les choses évoluent, ou parce que les personnes ont envie d’être challengées dans leurs pratiques.
Retrouver deux témoignages :
Interview de Fabio Monte, leader de QoQa : Holacracy avec une équipe de 180 personnes, un challenge ambitieux
Trajectoire d’une start-up en Holacracy, témoignage de Stéphane Labartino chez Comongo
L’Holacracy pour qui ?
Pour une petite organisation est-ce vraiment intéressant ?
Les processus de partage de décision ou de gouvernance, de manière très horizontale, collaborative, fonctionnent très bien jusqu’à dix-douze personnes. Un individu n’est pas capable de gérer de bonnes relations avec plus de onze personnes simultanément lors d’un processus de décision.
L’importance d’avoir des entités plus petites pour arriver à garder cette intelligence collective et cette collaboration, c’est fondamental.
Que fait classiquement une organisation qui grandit ? Quand elle dépasse 10, 15, 20 personnes, elle met un management intermédiaire. C’est très compliqué de garder une logique de gouvernance partagée dans un contexte de management intermédiaire. C’est hérité de la culture pyramidale, de la vision tayloriste du travail. Dans un monde simple, prévisible, peut-être que ça a marché relativement. C’est discutable. Mais dans le monde présent, surtout en portant une vision d’entreprise collaborative, ce n’est pas satisfaisant. Donc le risque, c’est qu’en grandissant, ce soit difficile pour une organisation de ne pas être influencée par une structure managériale classique. D’où l’idée de la structure en cercles.
Les structures en cercle de gouvernance dites partagées ont parfois une limite ou un risque : la réunionite. Sous prétexte qu’on serait en cercle, on se met à discuter, et à discuter, et à discuter… Et on ne travaille plus. Ça ne marche pas. L’organisation est surtout une entreprise. Elle doit produire de la valeur, équilibrer un bilan, payer des salaires. Elle a besoin d’une certaine efficience de travail. Elle doit conjuguer collaboratif et efficience. D’où l’idée de s’appuyer sur un système qui a fait ses preuves en la matière et qui conjugue les deux. Ce sont des paradoxes qu’il faut intégrer.
Les SCOP n’ont pas vraiment besoin de système comme Holacracy ?
C’est un système qui s’adapte à merveille avec le principe de SCOP. Il y a parfois une confusion entre SCOP et gouvernance partagée : être une SCOP impliquerait de fait, fonctionner en gouvernance partagée. C’est en partie vrai, ça donne une culture. Mais une voix par personne ne dit rien sur l’organisation du travail au quotidien. La SCOP ne concerne que l’enveloppe extérieure de l’entreprise. Mais dans les projets, chaque jour, sur les décisions, sur le fonctionnement interne, la SCOP ne dit rien.
L’idée avec l’Holacracy est d’apporter un système qui est à la fois un accélérateur et une solidification de la culture SCOP, pour devenir suffisamment robuste et que l’organisation puisse grandir.
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