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Le monde est complexe. Certains problèmes semblent parfois insolubles. Vous cherchez des solutions qui résoudraient définitivement ces problèmes, mais malgré vos efforts, ils persistent et se répètent. Pourquoi cela se produit-il ? Pourquoi les approches traditionnelles ne fonctionnent-elles pas ? Que se passerait-il si nous arrêtions de voir les choses comme des problèmes qu’il suffirait de résoudre ?

Comprendre la complexité des problèmes

Dans un monde simple, résoudre un problème consiste à trouver une solution qui adresse la cause sous-jacente. Cependant, dans un monde complexe, les problèmes sont souvent multifactoriels. Même si vous parvenez à transformer une cause particulière, le problème peut réapparaître sous une autre forme.

La notion même de problème est une simple étiquette que l’on aime bien poser sur ce que l’on ne comprend pas, ou ce qui vient contrecarrer nos plans. Avez-vous déjà remarqué que ce que vous appelez un problème peut constituer une solution du point de vue de quelqu’un d’autre ? Surtout quelqu’un qui aurait des opinions différentes de vous sur la situation.

Les polarités, des forces contradictoires

La gestion des polarités est une invitation à changer votre regard sur les problèmes. Au lieu de considérer les problèmes comme des obstacles à surmonter, vous pouvez les voir comme la facette dysfonctionnelle d’autre chose qui est parfois fonctionnelle. Sur le plan du comportement, cela revient à considérer qu’un défaut est une qualité en excès !

Les polarités sont des forces apparemment contradictoires qui coexistent et sont interdépendantes. Tels un pôle Nord et un pôle Sud sur un aimant, elles sont des forces opposées indissociables !

Chaque polarité d’une paire de polarités contient des avantages et des inconvénients. Nous pourrions dire aussi des facettes fonctionnelles et des facettes dysfonctionnelles. Voir le monde au travers de ce prisme des polarités permet de considérer alors que les dysfonctionnements ne sont qu’une manifestation d’une polarité qui peut aussi générer des bénéfices. Et ce que l’on considère souvent comme une solution n’est que la facette avantageuse d’une polarité qui a aussi sa part d’ombre !

Prenons l’exemple du management dans les entreprises. Visualisons deux polarités que sont le management directif (la structure verticale de pouvoir) et le management participatif (faisant davantage appel à l’intelligence collective et aux équipes autonomes).

Dans bien des entreprises, on cherche à résoudre les inconvénients du management directif, en les regardant comme des problèmes. Pensons au manque d’autonomie, à la perte de motivation, au silotage des décisions.

Les partisans du changement défendent un management participatif qui nous promet l’implication des salariés, le sens dans le travail, la créativité des équipes, l’agilité !

Jusqu’ici, le management participatif est présenté comme une solution. Partout où ces changements sont à l’œuvre, vous avez déjà entendu parler de cette fameuse “résistance au changement” ?

Ces “résistants au changement” voient à l’inverse tous les inconvénients qui les attendent dans une entreprise au management participatif, tels que des décisions plus lentes, du flou sur les autorités, une moindre productivité, un temps infini passé en réunion ! Ce sont les désavantages du management participatif, le plus souvent ignorés des défenseurs de ce nouveau paradigme organisationnel.

Les mêmes “résistants” soutiennent que le management traditionnel plus vertical et directif a l’avantage de la clarté sur qui a le pouvoir et qui prend les décisions, un organigramme clair, des consignes mieux appliquées, des décisions rapides. Ils préfèrent souvent ignorer que ce système hérité du taylorisme connaît aussi sa part dysfonctionnelle.

La boucle des polarités

La gestion des polarités propose d’appréhender cette situation non pas comme un problème à résoudre, mais comme deux polarités dans lesquelles naviguer. L’enjeu n’est pas de choisir entre le management directif et le management participatif, mais plutôt trouver un moyen de faire coexister ces deux approches. Cela peut sembler difficile, mais c’est la clé pour surmonter les problèmes insolubles.

Il n’existe pas de solution définitive. La gestion des polarités est un processus continu et dynamique. Les besoins de l’organisation changent, et son environnement évolue, vous pouvez ajuster votre approche en conséquence. Il peut y avoir des moments où vous devez privilégier l’une des polarités au détriment de l’autre.

L’idée n’est pas de se situer dans un entre-deux qui ne serait ni l’une ni l’autre, mais bien de savoir naviguer entre ces deux polarités en allant chercher chez chacune ce qu’il y a de plus fonctionnel. La gestion des polarités fonctionne si et seulement si l’entreprise apprend à détecter très rapidement la manifestation de la facette dysfonctionnelle de l’une des polarités pour très vite aller chercher du côté opposé l’inspiration qui viendra compenser ce manque.

Le risque cependant serait de passer son temps à osciller de plus en plus vite entre deux directions et de perdre tout le monde en route, tel un bateau qui naviguerait sans cap et n’arriverait jamais nulle part.

L’Holacracy :
une approche pour intégrer les polarités

L’Holacracy est un modèle de gouvernance qui vise à intégrer les polarités dans les organisations. Au lieu d’adopter une approche strictement hiérarchique ou participative, ce système permet de trouver un alliage bien dosé de management directif et participatif. Dans ce modèle, les rôles et les autorités sont clairement définis ce qui permet de laisser de la place à l’autonomie et l’initiative individuelle. C’est une technologie managériale qui est à la fois verticale et horizontale.

En Holacracy, les décisions ne sont pas prises par un chef, mais par des cercles de rôles qui travaillent ensemble pour atteindre les objectifs de l’organisation. Chaque rôle a ses propres responsabilités et peut prendre des décisions dans le cadre de son autorité définie. Cela permet de combiner l’efficacité du management directif avec les avantages de l’intelligence collective.

La verticalité du système se retrouve dans le principe de subsidiarité des cercles. Les cercles plus larges ont tout pouvoir de modification sur les cercles contenus à l’intérieur. Les leaders de cercle ont toute autorité pour manager le travail des rôles au travers de la priorisation et de l’autorité d’affectation des rôles.

Contrairement aux idées reçues, l’Holacracy est bien un système de gouvernance agnostic en matière de management et laisse toute latitude à l’entreprise qui l’adopte pour développer son propre style de management et ses propres règles de fonctionnement.

Conclusion

La gestion des polarités est une approche puissante pour résoudre les problèmes apparemment insolubles auxquels nous sommes confrontés dans nos organisations et dans nos vies. Plutôt que de chercher une solution unique, nous devons apprendre à équilibrer les forces contradictoires. Le management des polarités nous invite à regarder l’interdépendance de ce que nous aurions envie d’opposer.

L’Holacracy offre un cadre pour mettre en pratique cette approche en reconnaissant la valeur des différentes perspectives et en cherchant un équilibre entre les polarités. En adoptant cette approche, nous trouvons un moyen de regarder les divergences du monde en mettant un ET plutôt qu’un OU entre les polarités.

Aliocha Iordanoff

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