Le 4 février 2020 nous avons participé à la journée organisée par Grenoble Ecole de Management à destination de toutes les organisations candidates aux Trophées de la Paix Économique en 2019.
Cette journée a été l’occasion d’approfondir notre vision de la Paix Economique et de trouver de nouvelles idées au contact d’autres organisations. Cela nous a donné envie de raconter quelle est notre vision de la Paix Economique et comment nous tâchons d’avoir une démarche continue dans ce sens à Semawe.
Le système de gouvernance Holacracy
Le choix d’adopter une gouvernance en cercle a été unanime. Travailler à rendre explicite notre gouvernance avec nos rôles et nos domaines d’autorités est essentiel pour notre fonctionnement d’équipe.
“Prendre soin de nos besoins individuels liés à nos rôles nous permet d’avancer avec efficacité et pragmatisme dans notre vie d’entreprise. Cela prend d’autant plus de sens quand on est tous associés de cette aventure professionnelle. Mettre de l’explicite sur nos attentes respectives et nos différentes missions dans l’équipe est un ciment pour notre cohésion et la robustesse de notre entreprise.” précise Juliette Brunerie, associée de la SCOP.
> son témoignage sur l’adoption d’Holacratie par Semawe est à lire dans cet article.
Une communication assertive inspirée de la Communication NonViolente
Pour compléter Holacracy, nous nous inspirons directement de la CNV dans nos échanges. Juliette explique que :
“Cela nous permet de nous occuper de nos tensions interpersonnelles sans passer par des phases de conflits ouverts. Nous n’avons pas besoin de nous disputer pour parler de ce qui nous met en inconfort individuel.”
Au contraire, l’équipe sait que le dialogue est ouvert chez chaque membre. Nous sommes attentifs à avoir une posture d’écoute active et de recherche de solution commune si cela est nécessaire. Nous complétons cette approche avec la pratique régulière du feedback et du feedforward, car le regard des autres est une source intarissable d’apprentissage !
Le soin apporté à la relation
Ce soin et cette attention permanente à l’équipe nous a mené vers nos statuts de société coopérative – SCOP. Cette démarche se traduit à plusieurs niveaux :
- Interpersonnel : avec des échanges en petit groupe sur des aspects professionnels, relationnels, ou plus personnels.
- En équipe : avec des moments sanctuarisés pour nous, du temps pour réfléchir ensemble à notre avenir proche ou plus lointain, rêver, construire notamment lors de notre Forum Ouvert saisonnier. Aussi avec des moments informels, pour rire, partager, faire ensemble et manger ! Oui, partager des repas de qualité contribue à notre bien-être d’associés.
- A l’extérieur : Nous aimons ouvrir la porte à des personnes avec qui nous sentons une énergie et des valeurs communes. Nous avons invité plusieurs fois dans notre histoire d’autres organisations à venir réfléchir avec nous.
Le modèle SCOP, les salariés associés et impliqués
Une gouvernance partagée oui, des relations interpersonnelles respectueuses et bientraitantes oui, mais ce n’est pas tout ! Pour nous il y a une véritable cohérence dans le fait d’être tous co-propriétaires de notre entreprise. Offrir la possibilité à chacun et chacune de se saisir de ses responsabilités et de gagner en autonomie n’a de sens que si nous sommes en mesure de partager notre bien commun au quotidien. Pour cela le modèle SCOP correspond vraiment aux valeurs auxquelles nous sommes attachés.
Aliocha PDG et fondateur de la SCOP explique que :
“Les salariés-associés ayant une part majoritaire, ils peuvent contribuer à la gouvernance en choisissant leur dirigeant, en participant aux orientations stratégiques. Les coopératives sont des formats d’entreprise à forte valeur pour les territoires, car en général elles ne se délocalisent pas, sont pérennes et donnent accès à une certaine forme de citoyenneté au sein de l’entreprise pour les salariés. Les salariés impliqués dans la gouvernance ont une vision moins polarisée des employeurs vs salariés. Il a de fait plus de transparence sur les comptes de l’organisation, son état de santé. Je crois que cela contribue à augmenter le niveau de conscience sur le sujet de l’économie et des enjeux rencontrés par les employeurs. C’est un outil formidable pour aller vers une culture commune et sortir de l’opposition entre les actionnaires et les salariés”
Le modèle SCOP, entreprise non capitalistique
L’entreprise coopérative est une couche juridique du droit coopératif qui se rajoute sur le droit des sociétés. Ce sont ces caractéristiques qui en font selon nous, un instrument majeur de contribution à la paix économique. Voici les 4 points principaux qui résument cette contribution :
- Les associés salariés sont forcéments majoritaires. Cela signifie qu’il ne peut pas y avoir plus d’actionnaires extérieurs que d’associés salariés.
- Un associé = une voix, indépendamment du capital détenu ou de son statut (actionnaire extérieur, associé-salarié)
- Les valeurs nominales des parts sociales sont fixes. Quand une part vaut 50 € par exemple, même si l’entreprise prospère et s’enrichit dans 10 ans la part vaudra toujours 50 €. Il n’y a pas de revalorisation des parts sociales.
- Les réserves sont impartageables entre les associés et sont définitivement acquises à la SCOP y compris à la fin de la vie de la SCOP. Ces réserves vont vers une autre organisation à but non lucratif ou autre coopérative.
- Quand une SCOP fait du résultat, il y a une limite minimum d’affectation du résultat aux réserves (environ 30%).
Aliocha précise :
“La création de valeur reste dans l’entreprise, va la solidifier et lui donner une capacité d’investissement beaucoup plus importante que si ces bénéfices avaient servi à rémunérer des actionnaires. Le principe fondateur de la SCOP est l’actionnariat salarié et cette dimension favorise la paix économique au sein de l’organisation.
La robustesse des coopératives et leur capacité à investir et donc à être résiliente est pour moi un point de contribution à la paix économique. Un autre point important est le fait que les salariés soient associés. Cela signifie une meilleure rémunération de la valeur créée parce qu’en plus de leur salaire, ils vont recevoir une part du résultat en tant que sociétaire. En revanche, la SCOP ne résout pas tout. Elle élude la question de la rémunération du capital et limite les entreprises qui ont besoin de faire de gros investissements.”
Concurrence et coopération quelles limites ?
Nous l’avons mentionné plus haut dans cet article, nous aimons entreprendre, créer avec d’autres organisations dont nous sommes proches. Depuis quelques mois, nous répondons avec Ivolve, une autre entreprise d’accompagnement, à des marchés publics et collaborons sur des prestations. Ivolve fonctionne également en Holacratie et propose le même genre d’accompagnements que Semawe. Nous nous sentons proches et alignés avec leur équipe et partageons une vision commune du monde et de ce que nous souhaitons y faire. Nous avons des sujets d’accompagnements communs et d’autres sur lesquels nous sommes complémentaires. Nous sommes donc à la fois concurrents et pairs.
Nous avons convié Emmanuel et Anne-Muriel pour réfléchir ensemble lors de notre Forum Ouvert d’hiver 2020. Cette journée de réflexion a permis de clarifier nos visions respectives et de partager nos envies de collaboration.
Ces échanges ont abouti à un renforcement fort de nos liens :
- Par la création d’un super cercle Holacratique contenant nos deux organisations. Ainsi la gouvernance de nos deux structures devient visible et transparente l’une pour l’autre. Nous pouvons créer un cercle commun entre nos deux organisations en fonction de nos besoins. Nous avons fait le choix de la rendre publique. Elle est visible sur la plateforme Glassfrog : https://fr.glassfrog.com/organizations/143
- Par l’échange de facilitateurs entre nos deux organisations.
- Par l’aménagement hebdomadaire de temps de partage entre nos équipes.
- Nous accueillons à mi-temps dans nos locaux Grenoblois, Anne-Muriel, associée d’Ivolve et partageons avec elle des moments quotidiens, opérationnels et informels.
Anne Muriel nous donne sa vision sur notre cercle commun :
“Le fait d’avoir ce cercle commun permet de nous appliquer à nous même la vision du monde que nous proposons aux organisations que nous accompagnons.
Nous sommes chacun une partie d’un système plus large et nous entretenons des interactions avec d’autres parties de ce système. Plus ces interactions sont explicitées dans leur domaine d’autorité, plus elles sont saines y compris entre opérateurs économiques concurrentiels. Le terreau est fertile pour que ça se passe bien entre nos deux organisations. Y compris les échanges d’énergie monétaire ! Avec nos Raisons d’être très proches, et en agissant ensemble nous avons une contribution plus grande dans le monde.“
Nous pouvons parler d’un savant mélange entre concurrence et coopération, peut-être que coopétition est un mot qui reste à inventer !
En résumé qu’est-ce que la Paix économique ?
Nous nous sommes prêtés au jeu de répondre à cette vaste question.
Juliette:
Pour moi la Paix économique c’est une organisation qui respecte les individus qui la compose et la côtoie, leur donne une occasion d’accomplissement et d’épanouissement individuel. Une organisation avec une adhésion sur le sens de sa mission et une liberté d’agir, dont la raison d’être est juste pour son équipe et l’activité économique est suffisante pour en vivre. Cela me fait un peu penser au principe de l’Ikigaï, cette philosophie de vie qui permet à un moment de se sentir exactement dans une activité qu’on aime, qui contribue à aider le monde, qui nous rémunère et pour laquelle on a un certains talent !
Aliocha :
Je ne sais pas si on sait définir la paix sans l’opposer au principe de guerre. Pour moi, cela veut dire que le champ de l’économie a fait le même chemin que la civilisation a fait en créant l’état de droit. C’est à dire que la règle est au dessus des individus. On sort de la logique de domination, qui est plutôt féodale, pour aller vers une logique de primauté de la liberté dans des environnements régulés. Dans la notion de paix il y a quelque chose qui ressort sur la protection des plus faibles. Un tissu économique en paix, est un endroit où les plus gros ne mangent pas les plus petits, où les plus petits ne font pas de concurrence déloyale aux plus gros et où on accepte la complémentarité et les différentes tailles d’entreprises.
Cela signifie aussi un environnement économique dans lequel on évite les situations monopolistiques ou oligopolistiques. Il y a une certaine garantie par la puissance publique, à la fois de la liberté d’entreprise et d’une régulation de l’économie dans le but d’éviter les monopoles. C’est ce qu’on appelle la libre concurrence. La liberté vient de la régulation. Une économie comme l’économie Européenne est plus paisible que d’autres régions du monde mais peut faire encore des progrès. Aujourd’hui nous sommes encore dans une modalité ou il y a un grand affrontement entre la logique patronale, actionnariale et salariale. Pour moi, la paix économique serait un monde dans lequel on ne considère pas que les intérêts doivent s’affronter mais peuvent être des intérêts communs, exactement comme dans la paix politique. Le jour où on sortira de l’idée qu’il faut des syndicats patronaux contre des syndicats salariés, ce sera la fin de la logique de confrontation et de rapport de force. Je pense que la SCOP apporte un début de réponse là dessus, en tout cas elle fait bouger les lignes !”
À qui appartient l’entreprise ?
Pour nous, vous l’aurez compris, il existe un lien direct entre la forme des entreprises et leur contribution à la paix économique.
La SCOP fait un pas très net sur le fait de placer l’entreprise comme un bien commun. Les organisations étant l’outil qui produit et permet aux individus de vivre, le fait de placer ces personnes morales à l’endroit du bien commun contribue à apaiser les relations dans la société.
“Quand on parle de paix économique c’est par opposition à la guerre économique (rachat, investissement, opa etc). La notion de guerre économique ne se transpose pas aux SCOP, il existe de la concurrence, mais pas de possibilité de rachat.
Nous vous proposerons prochainement une série d’interview sur cette question “A qui appartient l’entreprise ?”
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