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Sommaire

  1. Pourquoi parle-t-on de système de gouvernance ?
  2. Et au fait, ça vient d’où ?
  3. Les organisations en Holacracy sont pilotées par les “tensions” : ça veut dire quoi ? En quoi est-ce économe en énergie ?
  4. C’est quoi exactement un rôle dans une organisation ?
  5. Alors s’il y a autant de rôles, en quoi l’organisation peut-elle être claire ?
  6. Une réunion pour la gouvernance : c’est là qu’on se met tous d’accord sur le fonctionnement ?
  7. En quoi le consentement est-il au service de l’organisation ?
  8. Et l’autre réunion, la réunion tactique, ça sert à quoi ?
  9. Pourquoi dit-on qu’adopter Holacracy permet de cultiver l’engagement ?
  10. N’y a-t’il pas un risque à tomber dans la réunionite avec ces deux formats de réunion ?
  11. Et pour l’attribution des rôles : il y a un casting ? Ça se passe comment ?
  12. Et quand quelqu’un part en congés, concrètement ça se passe comment ?
  13. Il y a deux rôles par défaut dans chaque cercle : facilitateur et secrétaire. Pas de casting non plus ?
  14. Un leader de cercle, finalement c’est la même chose qu’un chef de service ou un directeur non ?
  15. On change le fonctionnement des échéances avec l’Holacracy, alors comment chacun organise-t-il son travail ?
  16. Et comment devient-on leader de cercle ? Est-ce que tout le monde peut être leader de cercle ?
  17. Finalement il y a des rôles dédiés à l’organisation : c’est bien ça ?
  18. Et le logiciel dans tout ça : Holaspirit ou Glassfrog, à quoi ça sert ?
  19. Si chaque cercle est autonome pour s’organiser, finalement ça revient au même qu’une organisation en silos ? Comment garde-t-on la cohérence avec l’ensemble de l’organisation ?
  20. Quelle est la place donnée aux tensions de la vie personnelle ?

Pourquoi parle-t-on de système de gouvernance ?

Cette expression est intéressante : c’est un système. Ce n’est pas juste une boîte à outils ou des méthodes d’intelligence collective. C’est conçu comme un système. Il y a des équilibres. C’est un ensemble fait pour fonctionner dans n’importe quel type d’organisation. On trouve des petites entreprises en Holacracy et des grandes, et pour des métiers très variés. Dans tous les cas de figure, ces organisations ont utilisé le même point de départ, les mêmes règles du jeu pour mettre en place ce fonctionnement.
Un résumé en une phrase pourrait être : l’Holacracy est un système d’organisation qui clarifie et explicite toutes les attentes opérationnelles et toutes les autorités qui ont cours dans l’organisation, avec des processus pour les faire vivre.

 

Et au fait, ça vient d’où ?

L’Holacracy a été créée il y a 18 ans aux États-Unis par une entreprise qui a voulu mettre en place les principes de la sociocratie, ceux de l’Agilité et ceux d’une méthode qui s’appelle GTD « getting things done », une méthode de traitement par tâche. Cette société, Ternary Softwares, a prototypé pendant plusieurs années un système de gouvernance pour elle-même. Une fois satisfaits, ils l’ont diffusé. Ils ont commencé à partager le texte de leurs propres règles du jeu. Ils ont appelé ça une Constitution. C’était vraiment l’idée d’un socle avec lequel tout le monde fonctionne.
À partir de là, comme pour un logiciel open source, d’autres gens l’ont utilisé et ont partagé des retours sur ce qui fonctionne ou pas. Petit à petit, le système s’est amélioré, s’est modifié. Ce qui était superficiel a été supprimé. Aujourd’hui, plus de quinze ans après, le document des règles du jeu a évolué. La version change, comme pour un logiciel. On est à la version 5.0 de la Constitution de l’Holacracy.
Cette version est très aboutie. C’est le fruit de toutes ces années de travail dans des organisations très variées, des entreprises dans le monde entier. Ça fonctionne déjà, c’est un point fondamental.

 

    Les organisations en Holacracy sont pilotées par les “tensions” : ça veut dire quoi ? En quoi est-ce économe en énergie ?

    Le mot « tensions » est précisé dans la Constitution. Ce n’est pas forcément négatif. C’est une acception large. Une tension, c’est une différence de potentiel entre la situation telle qu’elle est aujourd’hui et celle que je voudrais qu’elle soit quand je suis dans mes rôles.
    Cette différence de potentiel, on appelle ça une tension. Un peu comme en électricité. C’est une différence de potentiel entre une polarité positive et négative. Plus la différence de potentiel est forte, plus la tension augmente. Et si la tension est élevée, il y a beaucoup d’énergie.
    Il faut voir la tension comme une source d’énergie. Ce qui va nous mettre en mouvement, ce qui va faire qu’on prend une décision, c’est qu’il existe une tension.
    Les personnes en Holacracy sont responsables d’apporter leurs tensions. C’est écrit comme ça dans la Constitution. Il y a un chapitre qui s’appelle « les règles de coopération ». Il ne faut pas mettre les tensions sous le tapis. Il faut les traiter dès qu’elles se présentent et avant qu’elles soient un problème. Les réunions tactiques et de gouvernance permettent d’amener les tensions pour trouver des solutions, notamment grâce à un facilitateur qui tient un processus de réunion très précis et qui va aider à transformer ces tensions.
    Ce traitement des tensions est intéressant. Ça permet de faire les choses uniquement quand elles sont nécessaires. Dans une organisation en Holacracy, énormément de travail inutile est évité. C’est une organisation assez frugale.

     

    C’est quoi exactement un rôle dans une organisation ?

    Un rôle est une petite entité organisationnelle, décrite de manière précise, avec des redevabilités, c’est ce que le rôle doit faire. Il peut détenir des domaines d’autorités, ce sont des choses que le rôle contrôle de manière exclusive, si on veut qu’il ait une autorité forte sur un sujet. Il possède également une raison d’être.
    Avec ces trois paramètres, on définit ce qu’est le rôle. On va définir tous les rôles de tout ce que font toutes les personnes dans l’organisation. Ça se fait progressivement.
    Un exemple tout simple, dans notre entreprise : le rôle “boîte aux lettres”. Il a comme redevabilité de relever le courrier tous les jours. Son but ultime, c’est que la boîte aux lettres soit vide. Il doit notifier les bonnes personnes. C’est tout petit, le rôle “boîte aux lettres”. Il est porté par une personne. On sait toujours qui a le rôle. Ce rôle peut changer de main. Il peut être porté par une autre personne. Un peu comme une veste qu’on enfilerait. Je peux porter la veste du rôle “boîte aux lettres”. Je peux quitter la veste et la donner à quelqu’un d’autre. La personne qui hérite du rôle “boîte aux lettres” hérite des mêmes redevabilités, et de la même raison d’être.

     

    Alors s’il y a autant de rôles, en quoi l’organisation peut-elle être claire ?

    Comme ils sont nombreux, ils sont rassemblés en cercles et sous-cercles. Ils sont imbriqués les uns dans les autres. Ça permet de décrire l’organisation de manière dynamique. C’est-à-dire qu’on a une sorte d’organigramme en cercles concentriques, perpétuellement mis à jour lors des réunions de gouvernance tenues par chacun des cercles.
    On a énormément de rôles dans une organisation. C’est beaucoup plus fin et précis qu’une fiche de poste.

     

    Une réunion pour la gouvernance : c’est là qu’on se met tous d’accord sur le fonctionnement ?

    La réunion de gouvernance est une des méthodes proposées par la Constitution. Elle permet de mettre à jour les rôles. Parfois, on se rend compte, que l’organisation n’est plus très adaptée, qu’il faut changer quelque chose, qu’on a oublié d’ajouter une autorité à un rôle dont on a besoin.
    Chaque fois que quelqu’un ressent une tension, une nécessité d’adapter la réalité, il peut porter une proposition de gouvernance. Pendant la réunion, un facilitateur va tenir un processus, le processus de décision intégrative, permettant d’aboutir à une décision de gouvernance. Chaque participant va prendre la parole, tour à tour, pour réagir et objecter. Et en même temps, on ne cherche pas forcément à mettre tout le monde d’accord. Ce n’est pas une recherche de consensus. Ce qu’on recherche, c’est un consentement, c’est-à-dire une absence d’objection sur une proposition, une absence de raison qui ferait que ça pourrait causer du tort.
    Autrement dit, cette réunion de gouvernance permet vraiment aux personnes d’essayer des choses, de faire des propositions ambitieuses, audacieuses. Même si tout le monde ne soutient pas la proposition, mais juste parce qu’on pense que ça pourrait nous aider à résoudre un problème, que ça pourrait nous aider à avancer mieux : on va essayer. Peut-être qu’on va se rendre compte que ça ne marche pas ou qu’il faut l’adapter. Ce n’est pas grave. On va créer de nouvelles modifications. On va adapter les propositions en créant de nouvelles redevabilités et en créant de nouveaux rôles. C’est dynamique.
    Ça donne une grande agilité dans la possibilité de mieux répartir les rôles, de les transférer, de changer la manière de s’organiser et de s’adapter aux imprévus.

     

    En quoi le consentement est-il au service de l’organisation ?

    Permettre à toute personne de faire une proposition et vérifier que personne n’ait une objection : c’est ça l’idée.
    Il y a plusieurs étapes dans le processus de gouvernance pour cela.
    Première étape : les questions de clarification. On prend tout son temps pour questionner, faire preuve de curiosité par rapport à la proposition. On ne donne pas son avis à ce moment-là. Après, il y a un tour de réaction. Là, chacun peut donner son avis, proposer des améliorations. Le proposeur reprend la parole. Il peut ajuster et amender sa proposition, la clarifier. Et on termine avec le tour d’objection. C’est une question qui est posée à chaque membre autour de la table : “est-ce que tu vois une raison qui fait que l’adoption de cette proposition pourrait causer du tort ?”
    Cette phrase est très forte. On se positionne par rapport à la raison d’être du cercle. Est-ce que, par rapport à notre raison d’être, essayer cette proposition portée par un collègue, pourrait causer du tort ? On ne me demande pas si je suis d’accord ou si je n’aurais pas une meilleure idée. C’est : « est-ce que je veux prendre le risque d’essayer ?”. Tout d’un coup, il y a quelque chose qui se relâche intérieurement. Même si, en soi, j’ai un avis un peu différent, je peux accepter qu’on tente quelque chose. C’est très émancipateur. Ça permet de se décentrer. C’est un processus altero centré. On se met au service de l’organisation quand on pose cette question : “est-ce que ça cause du tort ?”
    Ça permet d’aboutir à une décision. L’équipe n’est jamais paralysée par un désaccord. Rien n’est jamais gravé dans le marbre. À tout moment, on peut revenir modifier ce qui a été décidé la veille, l’ajuster ou ajouter quelque chose. Ça crée un climat très apaisé par rapport à la gestion des divergences dans une équipe.

     

    Et l’autre réunion, la réunion tactique, ça sert à quoi ?

    La réunion tactique est une réunion très rapide, redoutablement efficace, avec une cadence assez soutenue, dont le but est de lever tous les obstacles à la bonne réalisation du travail.
    Toute personne peut amener des points à l’ordre du jour. Le facilitateur va tenir le point jusqu’à ce que les obstacles rencontrés par la personne soient levés. Cette réunion permet également de prendre des décisions, mais en soutenant la légitimité des rôles pour qu’ils prennent leur propre décision.

     

    Pourquoi dit-on qu’adopter Holacracy permet de cultiver l’engagement ?

    Si une personne a besoin d’avis pour prendre une décision, on va d’abord vérifier de quoi elle a vraiment besoin pour prendre une décision. Dans la plupart des cas, on se rend compte que la personne pourrait prendre sa décision seule. Néanmoins, parfois, obtenir des avis est utile, ça permet des ajustements. Je demande des avis, mais à la fin, je prends la décision.
    Par rapport à une culture du consensus, c’est différent. Ici, l’idée est de ne pas se cacher derrière un semblant de décision qu’on aurait prise à plusieurs. Car, en réalité, le plus souvent, cela dilue la responsabilité : “on” a décidé, donc personne n’a décidé. “On” est responsable, donc personne n’est responsable. C’est le défaut du système consensuel. Quand il y a des décisions un peu engageantes à prendre, nous n’avons pas l’habitude de nous exposer à la responsabilité.
    La réunion tactique, c’est une école du leadership où chacun va progressivement prendre corps avec les rôles et devenir capable d’être leader de ses rôles. En Holacracy, quand on a un rôle, on dit qu’on est leader de rôle, quel que soit le rôle. L’idée est bien qu’en tant que leader, on peut proposer et agir, prendre des décisions dans le cadre de son rôle.

     

    N’y a-t’il pas un risque à tomber dans la réunionite avec ces deux formats de réunion ?

    Souvent, au début, nous conseillons une réunion de gouvernance, toutes les deux semaines, dans chaque cercle. Voire toutes les semaines au tout début. Lorsqu’on
    commence, tous les rôles ne sont pas décrits. Il y a beaucoup d’ajustements à faire.
    On a besoin des réunions de gouvernance, comme ça, on peut s’ajuster facilement et les tensions n’ont pas le temps de devenir des problèmes.
    Très vite, la gouvernance du cercle va se stabiliser et les réunions de gouvernance vont probablement se raréfier. Il y en aura de nouvelles si on rencontre vraiment un dysfonctionnement ou qu’on se rend compte que l’organisation n’est pas adaptée.
    Mais pour les réunions tactiques, c’est le contraire. Nous conseillons une cadence régulière, des réunions courtes, mais fréquentes. Avec la réunion tactique, on cherche à lever les obstacles dans le travail et à bien synchroniser l’équipe. Il y a besoin que les réunions se tiennent souvent. Mais en même temps, ces réunions ne sont jamais considérées comme obligatoires, et elles sont déclenchées en fonction des besoins. Comme les participants ne se sentent pas obligés d’être là et comme c’est efficace, ce sont des moments agréables. Les temps de réunions vont se raccourcir avec la pratique.
    Les réunions tactiques nous apprennent à sélectionner les points qu’il est pertinent d’apporter en équipe, parce qu’on a besoin d’échanges à plusieurs, d’intelligence collective. On va apprendre que la grande majorité des points qu’on a culturellement l’habitude d’amener dans des réunions peuvent être avantageusement traités en dehors des réunions. Si nous avons besoin de traiter d’un sujet précis, concernant nos rôles, on n’a pas toujours besoin d’avoir des spectateurs qui assistent à notre discussion. C’est classique dans une réunion, d’avoir un point qui ne concerne que deux ou trois personnes. On peut très bien se dire que c’est intéressant que les autres entendent, mais est-ce qu’au fond, les autres diraient la même chose ? Est-ce aussi intéressant que ça pour eux-mêmes ? C’est un format moins efficace. On peut voir des participants distraits, qui font autre chose, traitent leurs e-mails.
    Avec la pratique, les réunions tactiques deviennent moins nombreuses et plus intéressantes et plus courtes. Elles vont se raréfier, mais pas tout de suite, peut-être au bout d’un an et demi, deux ans. Beaucoup plus de petits espaces d’interaction transversaux de rôle à rôle, vont voir le jour, comme une dentelle finement ciselée, quelque chose de très précis.

     

    Et pour l’attribution des rôles : il y a un casting ? Ça se passe comment ?

    Il y a un mécanisme proposé par défaut dans la Constitution, si on ne le change pas, c’est celui-là qui va s’appliquer. Vous pouvez le modifier. Le mécanisme par défaut, c’est que c’est le leader d’un cercle qui assigne les personnes aux rôles du cercle et ainsi de suite dans les sous-cercles. C’est le leader de cercle qui a cette autorité. Mais ça ne veut pas dire qu’il le fait de manière autocratique. Un leader de cercle a besoin que la personne soit d’accord. Il peut y avoir des échanges à ce sujet ! Parfois il existe des contraintes de compétences, des rôles qui demandent des compétences particulières.
    Rien n’interdit de mettre en place d’autres mécanismes, comme des foires aux rôles : ils sont placés au centre de la table et attribués. On peut utiliser l’élection sans candidat. C’est intéressant pour des rôles qui ont besoin d’une légitimité particulière. On peut aussi avoir des principes de rôles qui tournent, par exemple pour les rôles contraignants pour lesquels il n’y a pas forcément de volontaires enthousiastes. On peut se mettre d’accord pour faire tourner le rôle.

     

    Et quand quelqu’un part en congés, concrètement ça se passe comment ?

    C’est très facile de répartir son travail. On ne va pas répartir tous les rôles de la personne qui part en congés : certains peuvent attendre le retour de congé et d’autres non. On va alors les distribuer, mais un par un. Et en regardant ce qui est encodé pour le rôle, la personne qui le reprend sait très précisément ce qu’elle a à faire. Il y a une immense clarté sur ce qu’elle récupère comme responsabilités.

     

    Il y a deux rôles par défaut dans chaque cercle : facilitateur et secrétaire. Pas de casting non plus ?

    Le secrétaire et le facilitateur sont les binômes qui cadrent les réunions. Les processus de réunion sont assez cadrés. Ça nécessite que le facilitateur puisse bien les tenir. Le facilitateur, c’est le rôle qui facilite les réunions, et au-delà il aide les membres du cercle à vivre avec les règles du jeu. Le secrétaire programme les réunions et consigne les décisions prises.
    Le secrétaire et le facilitateur sont élus grâce au processus d’élection sans candidat.
    Ça signifie qu’il n’y a pas de candidat qui se présente. Tout le monde pourra s’exprimer. On ne va proposer personne. Ce processus en plusieurs étapes donne une grande légitimité aux rôles élus.

     

    Un leader de cercle, finalement c’est la même chose qu’un chef de service ou un directeur non ?

    Chaque cercle détient un leader de cercle. C’est un rôle spécifique dont les autorités sont clairement écrites dans la Constitution. Un leader de cercle à deux autorités.
    La première : affecter les rôles. Il est responsable de pourvoir les rôles de son cercle avec la contrainte que les gens soient d’accord. Si le leader exerce son leadership de manière trop autoritaire, il rencontrera des difficultés à pourvoir les rôles. Il a intérêt à cultiver l’autonomie, à donner du feedback, à accompagner la montée en compétences et en leadership des personnes dans leur rôle, pour que ça se passe le mieux possible. C’est un leader assez soutenant et très coopératif.
    La deuxième autorité d’un leader : établir les stratégies du cercle. Une stratégie telle qu’on l’entend en Holacracy, c’est une priorisation du travail. C’est le leader du cercle qui est chargé d’établir les priorités relatives à ce cercle. Quand des personnes ou des rôles à l’intérieur du cercle sont en difficulté, en surcharge de travail, c’est vers le leader du cercle qu’elle peuvent se tourner pour lui demander de clarifier les stratégies.
    C’est tout ce que fait un leader. Tout le reste, qu’on inclut dans les autorités managériales, ne fait pas partie de l’autorité d’un leader. Ça ne veut pas dire qu’un leader ne peut rien faire en matière de management. Si un leader fait d’autres choses, en général, c’est parce qu’il a d’autres rôles. Le leader de cercle a aussi d’autres rôles, opérationnels.

     

    On change le fonctionnement des échéances avec l’Holacracy, alors comment chacun organise-t-il son travail ?

    On va s’adapter à la réalité en priorisant ce qu’on a à faire, avec des priorités qui sont bien des priorités relatives. Il peut toujours y avoir des échéances sur des projets. Mais nous sommes au clair sur le fait que ce n’est qu’une forme de priorisation parmi d’autres.
    Ce qui est important au fond, c’est bien de faire ce qui avait le plus de valeur, d’où cette attente très importante qu’on a sur les leaders de cercle d’être capables de donner des priorités claires aux membres de leur cercle.
    Plutôt que de dire que tous les sujets sont prioritaires, on va dire lesquels sont prioritaires dans quel ordre. S’il y a des choses qu’on ne fait pas, c’est assumé, c’est parce qu’on a fait autre chose qui était jugé plus important.
    Ça nous permet de sortir de cette organisation permanente d’urgence. C’est très intéressant. Ça permet d’avoir une grande vitesse de travail et beaucoup de clarté sur ce qui est prioritaire par rapport à quoi et de ne pas cultiver une sorte de culpabilité sur le travail en retard.

     

    Et comment devient-on leader de cercle ? Est-ce que tout le monde peut être leader de cercle ?

    Les règles du jeu (la Constitution) ne donnent pas de contraintes particulières pour désigner un leader. Le leader du cercle plus grand, nomme les leaders des cercles en dessous. Le leader a intérêt à ce que la personne mise dans le rôle soit bien adaptée. Il va nommer une personne parce qu’il la sent compétente et parce qu’il imagine que ça lui fait envie. Si elle a envie, mais ne se sent pas complètement compétente, il peut la soutenir, l’aider pour y arriver.

     

    Finalement il y a des rôles dédiés à l’organisation : c’est bien ça ?

    Les rôles de secrétaires, facilitateurs et leaders sont des rôles structurels. Ils n’exécutent pas de travail particulier, mais ils sont là pour faire fonctionner chaque cercle.
    Il existe encore un quatrième rôle structurel : le représentant de cercle. Il est utile dans de grandes organisations. C’est un rôle qu’on peut élire dans le cercle pour représenter le cercle, dans le cercle du dessus. Ca peut être intéressant dans le cas où le cercle aurait des difficultés qu’il n’arrive pas à résoudre tout seul et que le leader n’arrive pas à résoudre non plus. C’est une sorte de représentant du cercle, en plus du leader, qu’on peut élire quand on en a besoin.
    Les cercles peuvent être vus comme une membrane au-delà de laquelle le cercle est autonome pour s’organiser.

     

    Et le logiciel dans tout ça : Holaspirit ou Glassfrog, à quoi ça sert ?

    Le logiciel va me permettre de trouver les informations sur les cercles, les rôles et de savoir qui s’occupe de quoi.
    Par exemple : j’ai besoin de savoir qui est la personne qui relève le courrier. Je vais regarder. Si je ne veux pas déranger la personne, je vais lui laisser un message dans Teams (ou Slack) via le canal du rôle « courrier ». Ça permet d’éviter de déranger, de poser des questions quand l’information est accessible directement.
    C’est pour ça que l’Holacracy, ce n’est pas obligatoire, mais ça va très bien avec des systèmes de communication horizontaux tels que Teams ou Slack, avec un grand nombre de canaux et des petits sujets de conversation, plutôt que des canaux où il y a beaucoup de choses.
    Comme chaque cercle peut faire bouger ses rôles, leur description, à tout moment, c’est indispensable d’avoir un outil numérique. En utilisant Holaspirit, on gagne en clarté, en rapidité, il y a un moteur de recherche. Et puis il y a cette représentation visuelle tellement pratique. On peut naviguer entre les cercles, zoomer ou au contraire prendre de la hauteur pour regarder l’organisation selon nos rôles, nos besoins.
    Ces logiciels soutiennent bien la pratique des réunions également. Tout est prévu dedans et globalement, c’est un incontournable dans l’adoption de l’Holacracy.

     

    Si chaque cercle est autonome pour s’organiser, finalement ça revient au même qu’une organisation en silos ? Comment garde-t-on la cohérence avec l’ensemble de l’organisation ?

    Le contenu d’un cercle, les rôles, ne peuvent être qu’au service de l’enveloppe plus large. Ils sont définis par une raison d’être et des redevabilités. Ça offre une garantie que l’autonomie du cercle ne soit pas une indépendance. Ça évite que chacun parte de son côté et que chacun fasse quelque chose de complètement différent. Tout en permettant des adaptations. D’un cercle à l’autre, on observe des différences, des manières de faire. Peut-être parce que les métiers sont différents, parce que les gens sont différents, parce que c’est une localisation différente.
    Partout, les règles du jeu sont les mêmes. Partout, les systèmes de réunion, de prise de décision sont bien les mêmes. C’est ça qui permet un lâcher-prise de la part des leaders en particulier, ou des managers, sur la volonté de contrôle de ce qui se passe dans le cercle. Pas besoin de contrôler ce qui se passe dans le cercle, car son fonctionnement est connu et clair. Chaque cercle suit les mêmes règles du jeu.
    Les leaders de cercles, vont communiquer entre eux sur la vision du cercle sans rentrer dans le détail : voilà nos besoins, nos limites, nos ressources, notre vision.
    Le fait d’avoir une organisation en cercles et en sous-cercles, encodée sur un logiciel, permet de choisir le niveau de finesse d’information dont on a besoin. Si j’ai besoin d’information très globale, je vais plutôt regarder à l’échelle du grand cercle, donc des leaders de cercles. Si j’ai besoin d’aller voir une information très précise sur un rôle très précis à l’intérieur d’un sous-cercle, c’est possible, je peux aller consulter directement le rôle qui m’intéresse. On a la possibilité d’accéder à des canaux d’information à différents niveaux, on choisit celui dont on a besoin. La transversalité et la subsidiarité sont cultivées.
    Les membranes des cercles préservent l’autonomie de fonctionnement par rapport à la gouvernance. Cette membrane est nette et précise. Elle détermine qui peut participer à une réunion de gouvernance. On ne peut pas faire d’ingérence. Je ne peux pas aller dans une réunion de gouvernance d’un cercle dont je ne suis pas membre. Ça garantit leur autonomie.
    Mais cette membrane est poreuse dès qu’on parle du travail opérationnel. Comme tout a été mis à plat et que les rôles travaillent au service de tous les autres rôles, il n’y a pas de limite, j’ai le droit d’aller voir toutes les personnes. Au contraire. En plus, les règles de coopération demandent à tout le monde de donner de la transparence sur son travail, de donner de la clarté sur ses priorités. Donc finalement, on a un système qui est très facilitant sur la possibilité d’accéder aux informations au niveau où on en a besoin.

     

    Quelle est la place donnée aux tensions de la vie personnelle ?

    Toute source de tension est recevable. On ne filtre pas les tensions. Mais ce qui va se passer, c’est qu’en fonction de la tension, il y a peut-être des choses qu’on pourra faire dans l’organisation, mais parfois, non. Si quelqu’un apporte une tension en disant qu’il a des problématiques personnelles dans sa famille, probablement que le mieux qu’on pourra lui offrir, c’est un temps d’écoute, mais on ne pourra pas décider grand-chose qui pourra l’aider. Ce n’est pas une tension qui se présente au service de la raison d’être de l’organisation, mais plutôt quelque chose qu’il ressent lui, comme individu.
    Si quelqu’un ne va pas bien à titre personnel et partage cette information au travail, ce n’est pas pour qu’on aille s’occuper de sa grand-mère ou de sa petite sœur qui ne va pas bien. C’est pour qu’on soit capable de prendre en compte que, émotionnellement, c’est un peu compliqué en ce moment et que peut-être, sa façon d’être, sera impactée par ça.
    Le fait d’offrir la possibilité de l’entendre, va permettre de mieux s’adapter et de demander à la personne de quoi elle aurait besoin. Tu as besoin de prendre une demie-journée de congé ? Tu veux un temps d’écoute ? Et donc de voir ce qui est possible dans l’espace du travail, non pas pour nier le problème de la personne, mais proposer quelque chose.
    Un grand classique des tensions opérationnelles en entreprise : « je ne suis pas content parce que tu es en retard. Tu devais me livrer ce rendu hier et je ne l’ai toujours pas. » Nous en parlons, il s’agit de tensions opérationnelles. Ce sont les plus faciles à résoudre.
    Il y a aussi des tensions interpersonnelles. Ce n’est pas tant sur le travail fait ou pas fait, mais plutôt sur la manière d’être et de faire. Un comportement de quelqu’un qui serait source d’agacement, c’est une tension relationnelle, qui est bien dans le travail, mais pourtant, ce n’est pas lié à un rôle. C’est juste la manière de faire. Un exemple assez classique : un collègue qui aurait l’habitude de ne jamais laver sa tasse à café et la laisserait traîner sur les bureaux. Ça m’agace. Ça va donc me créer une tension relationnelle, sur la façon d’être. La Constitution propose une façon de traiter cette tension, je ne vais pas utiliser les rôles pour ça, c’est juste en tant que personne.

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